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28 March 2018
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Les guerres Indo-Pakistanaises.

Les guerres Indo-Pakistanaises.

La poudrière du sous-continent Indien depuis 1947.

 

Il peut paraitre surprenant d’aborder ce sujet peu connu du grand public.

Rares sont ceux qui ont entendu parler de ces différentes conflits ayant opposé l’Inde et le Pakistan. C’est un dossier qui – pour différentes raisons – n’a pas attiré l’attention des médias. On a toujours considéré que c’était qu’un problème local entre deux états frontaliers qui ne nécessitait pas d’intervention majeure des instances internationales ou des grandes puissances (à l’inverse du conflit israélo-palestinien).

Mais ce sujet mérite infiniment mieux que d’être médiatiquement sous-traité.

En effet, loin d’être une simple anicroche ce conflit risque d’embraser un sous-continent entier, composé d’une population d’un milliard et demi d’habitants (soit le cinquième de la population mondiale) avec une utilisation d’armes nucléaires. Dans ce contexte, il n’est pas superflu de se pencher sur ce sujet.

Le Pakistan et l’Inde sont en conflit quasi-permanent depuis 1947.

Comment en est-on arrivé là ? Pourquoi cet affrontement ?

 

1°) Historique

 

A l’origine l’Inde et le Pakistan constituaient un seul pays.

Au début du XVIème siècle, les « Moghols », des envahisseurs venus de Perse et de confession musulmane ont attaqué puis envahit l’Inde.

Puis ils fondèrent un empire qui dura plus de trois siècles (de 1526 à 1857).

Suite à cette invasion, les Indiens ont vu leurs pays devenir multiconfessionnels. Sous l’empire Moghol, le pays était dirigé par une minorité musulmane qui n’a jamais représentée plus de 15 % de la population. Tandis que la majorité hindoue (85 %) était tenue d’obéir. Malgré les efforts de certains empereurs moghols (en particulier d’Akbar qui régna de 1556 à 1605), il n’y eu jamais de réels ententes entre hindous et musulmans, chaque communauté vivait en vase clos et séparée l’une de l’autre.

C’est ici que débute la future animosité indo-pakistanaise.

Dans le courant du XVIIIème siècle arrivent les Britanniques qui acquièrent la domination commerciale puis territoriale de l’Inde après avoir envoyé en exil le dernier empereur moghol en 1858. Un succès de l’Empire britannique basé sur la supériorité militaire mais aussi sur une politique efficace du «diviser pour mieux régner ».

Les Britanniques ont intelligemment utilisé les tensions locales et confessionnelles à leurs profits : ce fut une des raisons pour lesquelles leur implantation fut si longue (près d’un siècle). Mais à la suite de la Seconde guerre mondiale, l’Angleterre bien que victorieuse fait figure de parent pauvre et doit faire face à une demande d’indépendance de la part des nationalistes indiens.

Dès le début des années 1920, Gandhi avait préconisé la lutte non-violente pour l’indépendance de son pays et avait obtenu un certain succès populaire grâce à la désobéissance civile face aux autorités. Se rendant compte que la situation n’était plus tenable (il y avait 100 000 colons britanniques pour 350 millions d’indiens), la Grande-Bretagne accorde l’Indépendance à l’Inde en 1947.

 

2°) La genèse du Conflit

 

Mais malheureusement cette indépendance va se faire dans le drame et dans le sang.

Certains responsables indiens de confessions musulmanes, étaient convaincus, dans l’hypothèse où l’indépendance de l’Inde serait accordée, que les intérêts des musulmans ne seraient pas garantis. D’autant plus que les affrontements interconfessionnels n’étaient pas rares du temps de la colonisation britannique.

C’est dans ce contexte que Muhammad Ali Jinnah s’impose comme le seul leader crédible de la « Ligue Musulmane» (Parti politique crée en 1906 et partisan aussi de l’indépendance). Ce dernier voulait alors fonder un Etat pour les musulmans (notons qu’il n’a jamais utilisé l’expression «Etat Islamique» qui aurait signifié tout autre chose) par la création d’une nouvelle nation appelée le Pakistan (« Le pays des purs »).

Début 1947, les autorités sentaient poindre les tensions.

Malgré les efforts de Gandhi, la décision de séparer Hindous et Musulmans en deux Etats distincts a été prise. C’est un épisode très controversé de l’Histoire mais compte tenu de la situation, on peut considérer qu’il n’existait que deux solutions imparfaites : c’était soit une Inde et un Pakistan indépendant soit une guerre civile à caractère ethnico-religieux.

Partition de l’Inde et du Pakistan en 1947

 

  • Comment s’est opérée la partition.

 

Les autorités en charge du dossier ont décidé de faire la séparation en séparant les provinces à majorité musulmane (qui formeront le Pakistan), des provinces à majorité Hindou (qui seront l’Inde). Un avocat anglais Sir Cyril Radcliffe a alors été chargé de déterminer les frontières de ces futurs Etats durant les négociations pour l’indépendance. Or cet avocat n’est jamais allé dans le sous-continent indien et n’a eu en tout et pour tout que 5 semaines pour tracer les frontières. Cette méconnaissance de la situation locale et le peu de temps accordé ont conduit à un très mauvais traçage des frontières.

Le Pakistan fut constitué de deux provinces situées à l’ opposé l’une de l’autre (1700 Km de distance). A l’ouest, c’est le Pakistan Occidental (qui correspond à l’actuel Pakistan) et à l’est c’est le Pakistan Oriental (le Bangladesh d’aujourd’hui). Chacune de ces régions ont une identité politique, géographique et ethnique différente.

Les frontières ont été tracées avec une règle et non fonction d’une planification rigoureuse. De surcroît des affrontements et des massacres opposants les deux communautés ont eu lieu. Ce qui a conduit à l’exode de millions de personnes dans le pays : des hindous quittant le futur Etat pakistanais pour rejoindre l’Inde et des musulmans fuyant l’Inde pour le Pakistan.

Les régions les plus touchées furent le « Bengale » et le « Pendjab » (qui ont dû être coupées en deux afin de les répartir entre l’Inde et le Pakistan).

Selon les études les plus récentes et les plus fiables, on estime qu’il y a eu 12 à 15 millions de personnes qui ont été forcées de partir en exil (ce qui constitue l’exode de population la plus importante du XXème siècle) et il y a eu aussi entre 500 000 et un million de morts du fait des massacres.

Le Pakistan devient officiellement indépendant le 14 Aout 1947, l’Inde le lendemain 15 Aout.

Et enfin le dernier drame de la séparation a eu lieu le 30 Janvier 1948 quand Gandhi a été assassiné par un fanatique hindou.

   

3°) La question du Cachemire

 

Bien que des frontières aient été tracées, on a toutefois laissé le choix à certaines provinces de choisir leur pays de rattachement.

Une province va cristalliser les tensions jusqu’à aujourd’hui : le « Cachemire ». C’est une région montagneuse située à l’extrême nord du nouvel Etat indien et limitrophe avec le Pakistan. Elle est de taille modeste (186 000 Km2) et comprend 11 millions d’habitants. Sa particularité est d’être à majorité musulmane mais d’être dirigée par un prince hindou. Et ce dernier hésitait à se prononcer quant à rejoindre l’un ou l’autre des pays.

Devant cette hésitation et le nombre de musulmans au sein de cette province, le Pakistan a considéré tout naturellement que ce territoire lui revenait de droit et a envoyé des troupes pour s’en emparer. Le prince Hindou du Cachemire a décidé alors de se rapprocher de l’Inde pour stopper cette invasion.

Le gouvernement indien avait déjà empêché par la force certaines provinces à majorité hindou dirigées par des princes musulmans de rejoindre le Pakistan. L’inde envoie à son tour des troupes pour s’emparer du Cachemire (en fait chacun des Etats tentent de s’accaparer le plus grand territoire possible).

Pour Jinnah – qui est devenu dans l’intervalle le premier chef d’Etat du Pakistan- l’attitude de l’Inde est une remise en cause de l’existence de son pays. C’est ainsi que débute la guerre indo-pakistanaise qui continue encore aujourd’hui.

 

4°) Les Guerres

 

De 1947 à 1999, l’Inde et le Pakistan vont s’affronter à quatre reprises, essentiellement sur la question du Cachemire.

 

  • La guerre de 1947-1948

 

A l’origine, c’était une course contre la montre.

Chaque Etat voulait éviter l’affrontement et prendre le terrain avant son adversaire. Mais les choses ne vont pas se passer comme prévu. A un moment donné, les deux belligérants se rencontrent et pour empêcher son rival d’avancer, la force devient la dernière option.

De surcroit, il y a eu certains dérapages d’un côté comme de l’autre du fait que les deux armées respectives sont aussi constituées de civils (se définissant comme des guerriers) au sein d’une troupe composée aussi de soldats professionnels et qui ne sont pas aussi disciplinés que ces derniers.

L’affrontement armé commence le 22 Octobre 1947.

Les deux camps vont alors multiplier les mouvements offensifs et défensifs pour conserver le terrain déjà gagné puis l’étendre le plus possible. Les combats qui ont lieu ressemblent davantage à une guerre de position qu’à une guerre de mouvement compte-tenu du caractère accidenté du terrain (région montagneuse). C’est un conflit limité dans la mesure où les adversaires ne s’affrontent que sur un terrain localisé et qu’ils n’envoient « que » quelques dizaines milliers d’hommes (par opposition à une guerre totale ou les deux ennemis s’affrontent sur toute la longueur de leurs frontières communes et engagent la totalité de leurs moyens).

Le conflit se termine le 31 Décembre 1948 quand l’ONU parvient à imposer un cessez-le-feu (qui entrera en vigueur le 1er Janvier 1949).

L’issue du conflit fut dans l’ensemble plutôt favorable à l’Inde. Cette dernière occupe désormais 101 000 Km2 du Cachemire (soit 54 % du territoire) soit la majorité de la région disputée et contrôle 8 millions d’habitants (soit 73 % de la population). Alors que le Pakistan n’en occupe que 85 000 Km2 (soit 46% du territoire) et 3 millions de personnes (27 % de la population).

Cette première guerre a fait environ 11 000 victimes militaires (3000 tués et 8000 blessés) équitablement réparties entre les deux camps ; le nombre de victimes civiles est inconnu.

 

Division du Cachemire entre le Pakistan (Nord) et l’Inde (Sud)

 

  • La guerre de 1965

 

Bien qu’un cessez-le-feu fût déclaré, cela ne signifie pas la fin de la guerre entre les belligérants. Aucun traité de paix ne fut signé, donc c’est techniquement un état de guerre. Après la première guerre, le Pakistan accumule les problèmes : le père de la nation Mohammed Ali Jinnah meurt de tuberculose le 11 Septembre 1948, soit à peine un an après l’indépendance de son pays.

Ses successeurs n’avaient pas la même vision que lui et en ont profité pour devenir des autocrates.

Il aura fallu attendre 10 ans avant que le Pakistan ne se dote d’une constitution et que l’administration fonctionne correctement. Et le pouvoir civil a été remplacé par un pouvoir militaire à la suite d’un coup d’Etat du général Ayoub Khan qui dirige le pays à partir de 1958.

Mais pour autant le Pakistan n’a pas renoncé à son ambition d’annexer la totalité du Cachemire .

Toutefois en 1962, l’Inde subit une défaite militaire face à la Chine.

Ayoub Khan souhaite profiter de cette apparente faiblesse de l’Inde pour lui reprendre les territoires disputés. Le Pakistan monte alors l’opération « Gibraltar » qui prévoit l’infiltration de son armée dans les zones « cachemiries » contrôlées par son adversaire.

L’Etat-major pakistanais est persuadé que les Indiens seront pris au dépourvu et s’attend aussi à un soutien spontané des populations locales à majorité musulmane afin de créer une insurrection armée.

Encore une fois les choses ne vont pas se passer comme prévu. En Aout 1965, le Pakistan lance son offensive militaire. Mais cette attaque se heurte à une résistance indienne très forte.

La population civile quant à elle ne manifeste aucun soutien à l’égard des pakistanais (sauf exception).

La réponse de l’Inde est forte : elle mobilise son armée, l’envoie au Cachemire puis après avoir stoppé l’offensive, pénètre en territoire pakistanais. L’armée indienne arrive aux portes de Lahore (la capitale de la région pakistanaise). Ayoub Khan hésite avant de se lancer dans un conflit total contre l’Inde (cette guerre se veut comme « limitée » par les belligérants) puis accepte un cessez-le-feu qui met fin au conflit le 23 Septembre 1965.

En définitive, les pakistanais étaient mal préparés et n’avaient pas organisé le soulèvement de la population cachemirie. De surcroît, il y a eu une sous-estimation flagrante de l’adversaire.

Le résultat de cette guerre fut considéré comme un succès indien et un échec pakistanais.

En effet, non seulement l’Inde a bloqué l’offensive ennemie mais elle a aussi accru le territoire qu’elle contrôlait (l’armée indienne est parvenue à prendre 1840 Km2 de territoire au Pakistan, alors que ce dernier n’en a conquis que 300 Km2).

Les pertes militaires s’élèvent à 7000 hommes (3000 indiens et 4000 pakistanais).

A la suite de cette défaite Ayoub Khan démissionne en 1969 au profit d’un autre général. La même année, une médiation organisée par les soviétiques aboutit à un accord de retrait mutuel des deux armées sur les lignes d’avant-guerre.

 

  • La guerre de 1971.

 

En 1970, à l’initiative du général Yahya Khan – devenu Premier Ministre en 1969- les premières élections démocratiques du pays ont lieu. Khan espère que ces élections vont lui permettre de s’imposer comme l’homme fort du pays puisqu’il aura le suffrage universel de son côté. Les élections se déroulent mais n’aboutissent pas au résultat espéré par Khan.

Son parti le « PPP » (Parti du Peuple Pakistanais) n’arrive qu’en seconde position avec 19% des voix. Tandis que le parti de son rival Mujibir Rahman – un indépendantiste bangladais -arrive en tête avec 39%.

Cette situation est aggravée par la répartition des votes : Khan obtient la majorité des suffrages au Pakistan Occidental alors que son rival est en position de force au Pakistan Oriental.

Khan et la junte militaire pakistanaise refusent de reconnaitre les résultats de cette élection. Cette décision provoque des manifestations et des troubles de grandes ampleurs au Pakistan Oriental réclamant la sécession.

Le 26 Mars 1971, le Pakistan Oriental proclame son indépendance pour devenir une nouvelle nation le « Bangladesh » et s’affranchir de la tutelle pakistanaise. Le même jour le gouvernement pakistanais décide de répliquer en lançant l’opération « Searchlight », en envoyant l’armée rétablir l’ordre. Mais cette mesure va mettre le feu aux poudres. Les habitants du Bangladesh organisent une résistance armée face aux militaires pakistanais.

Le Bangladesh bascule alors dans une véritable guerre civile et l’armée pakistanaise va devoir reprendre une par une les différentes villes qui se sont soulevées.

Le 25 Mai, les forces pakistanaises ont repris la totalité du pays.

Elle va alors se lancer dans une véritable purification ethnique et politique en massacrant tous ceux qui de près ou de loin étaient favorable à l’indépendance (certains parlent de génocide). Sur la foi de simples soupçons, des groupes entiers de personnes vont être exécutés et les viols seront innombrables. On estime aujourd’hui, d’après les informations les plus fiables qu’au moins 10 millions de personnes sont partis en exil afin d’éviter les exactions des militaires pakistanais.

Et il y a eu, au minimum, 300 000 civils qui ont été massacrés durant cette période (l’estimation la plus haute évalue les pertes civiles à 3 Millions de personnes …).

L’Inde qui a soutenu indirectement les indépendantistes bengalais subit les foudres du Pakistan qui le 3 Décembre 1971 attaque les bases aériennes indiennes lors de l’opération « Chengiz Khan ». Cette offensive aérienne n’aboutit n’a pas au résultat attendu puisque non seulement l’Inde n’a subi que très peu de dégâts, mais en plus elle décide de quitter son attitude attentiste pour se lancer dans une guerre ouverte contre le Pakistan au Bangladesh.

Elle mobilise son armée et pénètre en territoire bengalais.

Le Bangladesh est pris en étau par les forces indiennes qui l’assaillent de tous les côtés, l’offensive a été bien pensée face à des militaires pakistanais insuffisamment préparés. Et la population bengalaise soutient l’Inde dans cette lutte. Le résultat est alors inévitable : après deux semaines de combats, la totalité du territoire bengalais est occupé et l’armée pakistanaise est obligée de capituler le 16 Décembre.

La défaite est alors totale pour le Pakistan.

Le Bangladesh devient indépendant et est officiellement reconnu par la communauté internationale. Moins de 25 ans après sa création, le Pakistan n’aura pas réussi à maintenir l’intégrité de son territoire. Le pays est alors traumatisé par cette défaite et cette seconde partition. De surcroit, il a perdu un mythe national : ce n’est plus désormais « l’unique pays refuge des musulmans du Sous-Continent », puisque le Bangladesh est à majorité de confession musulmane.

Enfin les pertes humaines sont considérables. L’Inde n’a perdu « que » 14 000 hommes durant cette guerre (4000 morts et 10 000 blessés) alors qu’en comparaison le Pakistan a perdu plus de 110 000 hommes (9000 morts, 4000 blessés et près de 100 000 prisonniers). C’est la plus grosse prise de prisonniers depuis la Deuxième Guerre Mondiale. Sans parler des pertes civiles déjà évoquées

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Guerre d’indépendance du Bangladesh (1971) avec le soutien de l’Inde

 

  • La guerre de 1999.

 

Les frontières des deux Etats au Cachemire n’ont jamais été acceptées de façon définitive par les belligérants. Chacun à des revendications territoriales que l’autre ne veut pas concéder.

Devant l’intransigeance, il devient alors tentant de faire parler les armes pour s’approprier par la force des territoires que l’on estime revenir de droit. L’un des principaux lieux de conflit est le Mont Kargil, situé au centre de la Province du Cachemire.

C’est un endroit stratégique de plus de 5000 mètres de hauteur qui permet de dominer la région et constitue un excellent observatoire des mouvements de l’adversaire.

Il est sous autorité indienne. En Mai 1999, le Pakistan lance l’assaut afin de s’emparer du Mont Kargil avec l’équivalent d’une brigade de 5000 hommes. La particularité des combats résident dans le fait qu’ils se déroulent en terrain montagneux et à des températures extrêmes (il fait moins 30 voire moins 40 degrés). Ce qui n’est pas sans poser de problèmes pour la logistique et pour les hommes (qui passent davantage de temps à lutter contre la nature du terrain et le froid qu’à combattre l’adversaire).

L’inde riposte en envoyant des moyens importants pour reprendre le terrain : elle mobilise et envoie sur place une armée de 30 000 hommes. En Juin 1999, après un mois de combats, les pakistanais sous la pression militaire indienne et aussi sous la pression internationale (notamment des Etats-Unis du Président Clinton) décident d’abandonner la lutte en se retirant sur les lignes de front antérieures au conflit.

L’offensive du Pakistan se solde par un échec. Les pertes de ce nouveau conflit s’élèvent à 1100 hommes côté pakistanais et à 1900 hommes côté indien.

A ce jour, c’est le dernier conflit ouvert indo-pakistanais.

 

 

5°) Le rapport de force entre les belligérants aujourd’hui

 

Si l’on fait l’inventaire de l’ensemble des guerres qui ont eu lieu, on s’aperçoit que le Pakistan les a toutes perdues (parce qu’il n’a jamais pu atteindre les objectifs qu’il s’était fixé) et qu’il a toujours été à l’origine de ces conflits (c’est lui, en premier, qui a lancé les hostilités contre l’Inde).

Mais le Pakistan a-t ‘il la possibilité de l’emporter militairement face à l’Inde ?

L’Inde compte aujourd’hui une population de 1 ,241 Milliard d’habitants. En comparaison le Pakistan n’a une population que de 184 millions d’habitants. Ce qui signifie que l’Inde dispose d’une supériorité démographique avec un rapport de 1 à 7 environ.

Il est déjà difficile de l’emporter face à un adversaire disposant des mêmes moyens que soi, mais quand il y a une telle disproportion des forces, il devient très difficile pour ne pas dire impossible de l’emporter.

Cette inégalité n’est pas que quantitative, elle est aussi qualitative. En effet, l’Inde a une population qui en terme de formation est supérieure à la population pakistanaise. Quand on regarde le taux d’alphabétisation, le taux de diplômés du supérieur, les indiens sont largement en avance sur les pakistanais.

La différence est accentuée par le degré de stabilité des Etats.

La puissance d’un Etat se mesure aussi à sa stabilité, aussi bien civile que politique. Et dans cette catégorie l’Inde dépasse le Pakistan. En observant la liste des Etats en déliquescence en 2013(« Failed States Index »), sur les 178 pays de la liste, le Pakistan se classe à la 13éme place des pays les plus instables du monde alors qu’en comparaison l’Inde se classe 79éme.

La conclusion est que le Pakistan en cas de conflit majeur avec l’Inde n’a aucune chance de l’emporter compte tenu du grand déséquilibre des forces en présence – au mieux les pakistanais peuvent aboutir à un match nul.

 

6°) Des tensions qui persistent

 

De nombreux cessez-le-feu ont été déclarés mais aucun traité de paix n’a été signé.

La question du Cachemire reste sans réponse, or c’est l’épine dorsale des tensions indo-pakistanaise. Il peut paraitre surprenant de voir un tel acharnement de la part des deux belligérants pour s’emparer de cette province alors qu’elle ne présente aucun intérêt stratégique majeur (c’est une zone montagneuse et sans matières premières) qui de surcroît est faiblement peuplé (11 millions d’habitants) comparé à la population de l’Inde et du Pakistan.

Alors pourquoi tant d’affrontements ?

Au-delà de la rationalité, il semble que l’enjeu pour les deux pays est avant tout d’ordre symbolique. Chacun estime que renoncer à cet objectif reviendrait à une « capitulation en pleine campagne » face à l’ennemi héréditaire et constituerait une trahison vis-à-vis des pères fondateurs de la nation. C’est à l’image de ce que fut l’antagonisme franco-allemand sur l’Alsace-Lorraine.

 

  • Des affrontements qui perdurent

 

Le contentieux entre ces deux pays ne se résume pas exclusivement aux différentes guerres qui ont eu lieu.

En effet, en-dehors des périodes de guerre ouvertes, les accrochages et les combats sur la frontière indo-pakistanaise sont monnaie courante.

Que ce soit au niveau terrestre, maritime ou aérien le conflit perdure. Depuis 1947, il y a eu des milliers de combattants des deux camps qui ont perdu la vie au cours de différents combats peu relayés par la presse internationale. Parfois, certaines crises menacent aussi de tourner à la guerre.

Ainsi en Décembre 2001, le Parlement indien à New-Delhi a été attaqué par des terroristes en provenance du Pakistan qui ont causé peu de morts mais ont porté un coup symbolique à l’Inde.

Cette dernière a cru que ces terroristes avaient été entrainés et envoyés par les services secrets pakistanais (ISI). Ce qui a provoqué une grave crise entre les deux pays qui a failli déboucher sur un nouveau conflit. Par la médiation et sous la pression internationale, la crise a pris fin sans recourir aux armes.

Quant au Cachemire, il existe une insurrection depuis 1989 menée par des populations locales – soutenu par les pakistanais – qui tantôt réclament le rattachement au Pakistan tantôt souhaitent l’indépendance de la province (mais ce mouvement a depuis été en grande partie éliminé par les troupes indiennes qui l’ont significativement affaibli). Mais dans l’intervalle, ce conflit a fait des dizaines de milliers de morts.

 

  • Le spectre de l’arme nucléaire

 

Depuis 1998, l’Inde et le Pakistan sont devenus des puissances nucléaires (les indiens ont effectué leur premier essai nucléaire le 11 Mai et les pakistanais le 28 Mai de la même année).

Il y a désormais, une épée de Damoclès au-dessus de la tête des populations des deux pays. Si un conflit éclate à nouveau, il y a un risque d’embrasement nucléaire (la guerre de 1999 constitue le seul conflit au monde ou deux puissances nucléaires s’affrontent de façon conventionnelle sans recourir à l’arme suprême). L’inde disposerait d’environ 100 têtes nucléaires, le Pakistan de 80.

Vu la taille et la concentration des populations civiles dans cette partie du monde (un milliard et demi d’habitants), on est en droit de craindre le pire en cas de conflit.

 

  • Les problèmes structuraux du Pakistan.

 

Contrairement à l’Inde, le Pakistan n’a toujours pas réglé depuis son indépendance en 1947, certains de ses plus graves problèmes internes. Aujourd’hui plusieurs autorités différentes sont présentes au sein de l’Etat pakistanais et on ne sait pas qui gouverne réellement. Il y a le pouvoir civil, la caste militaire, les intégristes islamistes et les différents lobbys. Chacun de ces pouvoirs peut se revendiquer d’être l’autorité suprême du pays. Plus inquiétant, on suspecte l’armée pakistanaise de ne pas avoir le contrôle complet des armes nucléaires.

De nombreuses crises secouent le Pakistan : dictature, islamisme, stagnation voir régression de l’économie, extrême pauvreté, illettrisme, corruption, absence de perspective d’avenir et manque de sentiment national (contrairement à ce qu’avait voulu Jinnah, l’islam n’est que le plus petit des dénominateurs communs des habitants du Pakistan).

OOO

 

Cette année dernière, les deux pays ont fêter le 71 éme anniversaire de leurs indépendances respectives et le conflit larvé – bien que d’une faible intensité à ce jour – n’a pas trouvé de solution durable.

Espérons que dans un proche avenir, ils puissent parvenir à un traité de paix qui permette de résoudre définitivement toutes les questions de frontières notamment au Cachemire.

C’est dans l’intérêt de leurs populations respectives que d’aboutir à une paix durable.

28 March 2018
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La guerre d’Hannibal contre Rome (219 à 202 avant JC).

La guerre d’Hannibal contre Rome (219 à 202 avant JC).

 L’impossibilité stratégique de remporter la victoire malgré des succès tactiques.

 

Cette guerre a beaucoup marqué les esprits à l’époque et a fait l’objet de nombreuses études. Elle a eu d’importants impacts et comporte de nombreux enseignements. Malgré sa défaite finale, Hannibal Barca reste au centre de cette histoire tant en raison de ses prouesses militaires que pour son charisme.

Il a réalisé de nombreux exploits pour l’époque : la traversée des Alpes en plein hiver et le fait d’avoir vaincu les romains à de nombreuses reprises (notamment à Cannes).

Notre projet est de démontrer que malgré sa volonté et ses qualités, Hannibal avait peu chance de l’emporter contre Rome en raison de sa situation stratégique et des différents rapports de force.

 

1°) L’animosité entre Carthage et Rome

 

Sous l’Antiquité, il existait deux grandes puissances sur le bassin méditerranéen.

D’un côté, il y avait Rome fondée en 753 avant JC, par Romulus et Remus.

Et de l’autre, il y avait Carthage fondée vers l’an 800 avant JC, par les Phéniciens.

Au troisième siècle avant notre ère, Rome – qui était à l’époque une République – contrôlait la plus grande partie de l’Italie et Carthage contrôlait les limites méridionales de la partie ouest de l’Afrique du nord (de la Tunisie au Maroc d’aujourd’hui en passant par l’Algérie).

Cependant, il s’est avéré que ces deux nations – pourtant relativement distantes – ne pouvaient pas cohabiter pacifiquement. Tout simplement, parce que l’Ouest de la Méditerranée n’était pas assez grand. En effet, Carthage avait besoin d’un grand territoire à la fois terrestre et maritime pour développer son commerce (sur lequel reposait une grande partie de son économie). Cette situation était mal perçue par Rome qui voyait les frontières de Carthage se rapprocher de plus en plus des siennes et qui contrecarrait ses propres désirs d’expansion territoriale.

Devant cette situation, il apparaissait clair que tôt ou tard la guerre allait éclater entre ces deux puissances au moins pour le contrôle de la Méditerranée occidentale.

L’affrontement commença en 264 avant JC, connu sous le nom de « Première Guerre Punique » (il y aura au final trois guerres entre Rome et Carthage ; les romains appelaient les Carthaginois sous le nom de « puniques » à cause de leurs ancêtres phéniciens).

 

  • La guerre

 

En 264, Carthage débarqua sur l’Ile de la Sicile – qui était à l’époque un royaume indépendant – dans un but de conquête territoriale. Rome a alors considéré cette invasion d’un territoire si proche de ses frontières comme une menace pour ses propres intérêts. Elle a alors mobilisé son armée afin de bouter les Carthaginois hors de l’ile et s’approprier ce territoire.

Il s’ensuivit une guerre qui dura 23 ans, de 264 à 241 avant JC. Rome remporta la victoire et Carthage dû rebrousser chemin. Ce fut un traumatisme pour la population Carthaginoise d’avoir perdu cette guerre et plus particulièrement pour ses chefs militaires.

Les raisons de cette défaite tiennent au fait que Carthage s’est contentée d’adopter une stratégie à la fois défensive et passive, ce qui a conduit à sa perte. De surcroit, l’armée Carthaginoise était surtout composée de mercenaires (Carthage préférait recourir au mercenariat plutôt qu’à ses propres citoyens) qui n’étaient pas en mesure de rivaliser avec les soldats romains (qui étaient eux des professionnels).

Dans ce contexte, un général carthaginois, Hamilcar Barca, – le père d’Hannibal – décida qu’un jour son pays prendrait sa revanche contre Rome.

Mais dans l’intervalle, il fallait restaurer la puissance de Carthage et préparer ses fils à la future guerre.

 

2°) Le personnage d’Hannibal Barca

 

Hannibal naquit à Carthage, en 247 av JC, fils d’un général aristocrate déterminé à rétablir à terme le rapport de force contre Rome. En 238, son père décida de quitter la ville de Carthage pour l’Espagne – aux mains de différentes tribus – afin de conquérir ces territoires pour que sa patrie puisse recouvrer sa puissance. Hannibal a alors neuf ans.

D’après la légende, son père – avant de l’emmener avec lui – lui aurait fait prêter un serment devant les dieux (les Carthaginois étaient polythéistes). Par ce serment, Hannibal jurait de vouer une haine éternelle à Rome et de ne laisser aucun répit aux romains quand la guerre éclaterait.

On sait peu de choses de ce qui arriva par la suite durant son adolescence. Mais on sait que le patriarche enseigna à Hannibal et à ses frères l’Art de la guerre (Hannibal avait trois sœurs ainées issues d’un premier mariage puis deux frères cadets issus d’un second lit dont il était l’ainé).

Pendant 10 ans, son père conquit une partie du Sud de l’Espagne et gouverna en autocrate. Il semble qu’Hannibal accompagnait son père durant ses campagnes militaires. Ce mode de vie, vécu très jeune l’a sans doute familiarisé avec le monde militaire et lui a permis de développer ses capacités de stratège.

Mais en 228, son père meurt au cours d’un siège. Hannibal a alors 19 ans. Malgré son jeune âge, il prend le commandement de la troupe (composée de mercenaires) accompagné de ses deux frères et poursuit la conquête de l’Espagne. Pendant les neuf années qui suivirent, il a mené plusieurs campagnes militaires grâce auxquelles il s’est approprié la moitié sud de l’Espagne.

Tandis qu’une partie de la moitié Nord était déjà dans sa sphère d’influence. Mais une ville lui résistait encore – la ville de Sagonte – située à l’Est de l’Espagne. Or cette ville se trouve sous protection romaine mais Hannibal décide de l’assiéger malgré tout.

Rome met alors en garde Carthage : elle doit soit lever le siège de Sagonte, soit livrer Hannibal aux autorités romaines afin qu’il puisse être jugé, sinon ce sera la guerre. Carthage refuse et Sagonte –après sept mois de siège – est prise. Au pied du mur, Rome déclare la guerre à Carthage.

C’est le début de la Seconde guerre Punique.

Nous sommes en 219 av JC, Hannibal n’a alors que 28 ans.

 Buste supposé d’Hannibal Barca

3°) La Guerre contre Rome

 

Hannibal ne souhaitant pas répéter les erreurs du passé, décide de ne pas adopter une stratégie défensive mais au contraire d’avoir une attitude offensive contre Rome.

Début 218, il monte alors une grande armée destinée à marcher en territoire romain et prendre Rome. Lors de l’arrivée du printemps, Hannibal a réuni une armée de plus de 100 000 hommes (90 000 fantassins et 12 000 cavaliers ainsi que 37 éléphants de guerre). La composition de son armée est hétéroclite : il y a des Carthaginois, des Berbères, des membres de tribus Africaines et Espagnoles.

Chacun de ses groupes à des langues et une culture de guerre différentes mais ils sont soudés par la personnalité charismatique d’Hannibal qui leur a donné un but commun : vaincre Rome.

 

  • La marche vers l’Italie

 

Vers le mois de Mars 218, Hannibal lève le camp et se dirige vers le territoire romain.

La distance à parcourir à pied est immense : il faut traverser le nord de l’Espagne, franchir la chaine des Pyrénées, longer la Cote d’Azur – tout en traversant le Rhône – et enfin atteindre l’Italie. Parcourir une telle distance avec une aussi grande armée et des éléphants et ce en terrain hostile et malgré les intempéries exigent des qualités organisationnelles et de meneur d’hommes hors-pair.

Pendant de longs mois, les hommes d’Hannibal vont progressivement triompher de chacun de ces différents obstacles. Néanmoins, ils subissent de très lourdes pertes : il y a les attaques de tribus tout au long du parcours, les conditions climatiques, les morts par épuisements, la maladie, le manque d’eau et de nourriture ravagent la troupe sans compter les désertions (Hannibal perd environ 60 000 homes).

Il devient alors clair que seuls les plus robustes – ou les plus chanceux – pourront arriver en Italie. Après six mois de marche, Hannibal arrive aux portes de l’Italie. La logique voudrait qu’il continue de longer la Cote d’Azur mais il faut pour cela prendre une à une les différentes villes contrôlées par les romains et leurs alliés (et notamment Marseille).

Du fait de la fortification de ces villes et de leurs capacités à tenir un long siège, Hannibal estime qu’il ne peut pas se permettre une guerre de position. Il opte alors pour une stratégie d’évitement particulièrement audacieuse pour l’époque : franchir les Alpes.

A l’époque, seules quelques tribus pouvaient parcourir un tel chemin. Or, Hannibal va les franchir avec une armée de 40 000 hommes et des éléphants. De surcroit nous sommes en Hiver. Mais malgré toutes ces difficultés, Hannibal décide de forcer le passage malgré tout.

L’ascension débute à la mi-octobre 218. Au bout de deux semaines de manœuvres, d’intempéries mais aussi d’exploits sportifs, Hannibal parvient avec son armée à entrer en Italie, sur le sol romain.

Il lui aura fallu sept longs mois pour atteindre son objectif. Des 100 000 hommes au départ, il n’en reste que 26 000 à l’arrivé. Et la moitié des 37 éléphants ont été perdus.

 

Hannibal et son armée franchissant les Alpes 

 

  • L’offensive d’Hannibal.

La nouvelle de l’arrivée d’Hannibal en Italie provoque un électrochoc à Rome : les romains sont pris à contre-pied et modifient brutalement leurs plans.

A l’origine, ils avaient mobilisé deux armées : la première en Sicile pour attaquer Carthage sur le sol africain et une seconde armée dans le nord du pays pour envahir l’Espagne.

Ces deux armées abandonnent leurs positions respectives pour se diriger vers l’armée d’Hannibal afin de le détruire. Ce dernier se trouve alors dans une situation particulièrement inconfortable : il a perdu les trois-quarts de ses hommes durant le trajet, les survivants sont épuisés et le ravitaillement manque.

Il va alors parier sur le jeu des alliances : à l’époque Rome n’est pas encore un Empire, elle a la suprématie sur l’Italie après avoir fait alliances avec certaines provinces ou royaumes indépendants. De surcroît certaines tribus du nord de l’Italie (comprenant de nombreuses tribus gauloises) n’ont pas encore été soumises.

Hannibal déploie alors toutes ses capacités politiques pour persuader ces entités de se joindre à lui dans un combat commun contre Rome. Après d’âpres négociations, certaines d’entre-elles acceptent de se joindre à lui mais la majorité hésite. Il va alors lancer son armée à la rencontre des romains pour faire basculer le rapport de force et convaincre les réticents de le soutenir.

A la fin de l’année 218, deux grands succès vont être remportés.

La première confrontation avec les romains se déroule à Ticinus au nord de l’Italie – en Novembre 218 – ou les éclaireurs d’Hannibal détectent l’avant-garde de l’armée romaine.

Il décide alors de sauter sur l’occasion et parvient à tendre une embuscade aux milliers de cavaliers romains avec sa propre cavalerie Numide et l’écrase en quelques heures. Première victoire d’Hannibal sur les Romains.

Le second combat eu lieu, un mois plus tard en Décembre, quand le gros de l’armée romaine composée de 40 000 hommes parvint à la rencontre de l’armée d’Hannibal forte de 30 000 hommes sur le fleuve de la Trébie.

Le chef carthaginois décida d’utiliser la ruse contre les romains en faisant une attaque de diversion contre leur camp de base afin de les inciter à l’attaquer sur le terrain de son choix. Ils mordirent à l’hameçon et tête baissée se précipitèrent contre les hommes d’Hannibal qui les attendaient sur les hauteurs du champ de bataille. Sauf que profitant de la végétation des lieux, les Carthaginois avaient disposé une partie de leur armées dans les forêts et les bosquets, tandis que la majorité de leurs soldats étaient visibles des Romains et attendaient le choc.

Quand les Romains attaquèrent les premières lignes de front –dépassant ainsi les soldats dissimulés, Hannibal ordonna aux soldats embusqués de prendre les Romains par leurs flancs. L’armée romaine fut alors prise en étau, céda à la panique et fut taillée en pièces par les Carthaginois. A l’issue de l’affrontement, sur les 40 000 soldats Romains, 15 000 ont été tués et 15 0000 de plus fait prisonniers alors que les Carthaginois n’ont perdu que 3000 hommes.

Ce fut une grande victoire pour Hannibal qui détruisit la réputation d’invincibilité des Romains et de nombreuses tribus se rallièrent à lui grossissant ainsi les rangs de son armée.

Après avoir fait une « pause » durant l’hiver, au début de 217, il reprit l’offensive vers le Sud en se rapprochant de Rome. Cette dernière lui envoya alors une seconde armée pour le stopper.

La rencontre eu lieu au Lac Trasimène situé au centre de l’Italie.

Hannibal monta alors une embuscade considérée comme l’une des mieux réussie de l’Histoire militaire : à l’arrivée de l’armée romaine composée de 25 000 hommes longeant la route du lac , il dissimula la totalité de ses 40 000 combattants dans la végétation et une fois estimé que le moment idéal était arrivé , il donna l’ordre d’attaquer .

Les romains furent pris par surprise et une nouvelle fois furent défaits.

La totalité des romains furent éliminés (15 000 morts et 10 000 prisonniers) et le commandant-en- chef romain tué.

Bataille du Lac Trasimène

 

  • La bataille de Cannes

 

Hannibal – après ces trois victoires consécutives – décida de ne pas se retourner contre la ville de Rome. Il n’avait pas encore suffisamment de moyens à la fois humains et matériels pour pouvoir la prendre.

Il se dirigea alors vers le sud de l’Italie afin de s’emparer des récoltes pour nourrir son armée et permettre à cette dernière de mieux s’acclimater (les Carthaginois étaient plus disposés au climat du sud du pays qu’au nord).

A Rome, au bout d’un an de longues et difficiles négociations, il fut décidé d’en finir une fois pour toute avec Hannibal et de lancer contre lui, la plus grande armée que la République romaine ait jamais constituée. Une troupe composée de 90 000 hommes fut mobilisée et envoyée dans le sud contre les 50 000 combattants Carthaginois.

La confrontation eu lieu à Cannes le 2 Aout de l’an 216 avant JC. Les romains ont une supériorité numérique de 2 contre 1 environ. Ils se trouvent sur leurs propres territoires – et ne voulant pas tomber dans une énième embuscade -ils décidèrent de combattre dans une vaste plaine sans colline et sans végétation. De surcroit les Romains sont très déterminés à vaincre leur terrible ennemi.

Mais encore une fois Hannibal va les prendre par surprise …

A l’époque, l’ordre de bataille des armées est la suivante : l’infanterie est au centre, la cavalerie est sur les flancs et la réserve derrière (soit pour exploiter une percée soit pour combler une brèche).

Hannibal dispose d’un avantage sur les romains : sa cavalerie. Il dispose de 10 000 cavaliers expérimentés et bien entrainés alors que les Romains n’en n’ont que 7000 moins bien formés. Il sait aussi que les Romains vont jouer à fond de leur supériorité numérique : ils vont masser le plus grand nombre de fantassins au centre afin d’enfoncer sa ligne de front qui sera en grande infériorité numérique et qui sera inévitablement soit repoussée (sous le poids du nombre) soit percée puis détruite.

Le chef Carthaginois va alors « jouer » à la fois sur cet avantage et sur cet inconvénient. Le coup de génie d’Hannibal est qu’il va contourner les points forts de l’adversaire et exploiter ses faiblesses de façon optimale.

Il va même faire de la plus grande force de son adversaire – le nombre – sa plus grande faiblesse, en la retournant contre lui. Sa stratégie est la suivante : il dispose de 50 000 hommes, il va les répartir en trois différents corps. Il place au centre son infanterie légère composée de gaulois et d’espagnols comptant 20 000 hommes, qu’il déploie en forme de V inversé.

A l’arrière, il place son infanterie lourde composée d’africains comptant 20 000 hommes, qui sont répartis de façon perpendiculaire par rapport à la ligne de front sur chaque côté (équitablement réparti entre le côté droit et le côté gauche, soit 10 000 soldats chacun).

Et sur les flancs il dispose sa cavalerie composée de 10 000 hommes qu’il répartit inégalement : les deux tiers des cavaliers (6600) sur le flanc gauche et le tiers restant (3300) sur le flanc droit.

Son but est d’encercler puis de détruire l’armée romaine.

 

 

En répartissant son infanterie légère en forme inversé du V (ou en forme inverse d’un croissant), il cherche à inciter les Romains à l’attaquer à l’extrême centre de son dispositif.

L’infanterie Romaine composée de 83 000 hommes avancera vers la ligne de front Carthaginoise composée seulement de 20 000 soldats.

A 4 contre 1, Hannibal sait que cette ligne va progressivement « plier » sous le nombre.

Cela signifie que sous l’effet du poids des hommes et de la masse, la formation en forme de V inversé ne va pas pouvoir tenir. Puisque les romains attaqueront au centre, la ligne de front se transformera progressivement de sa formation initiale en ligne continu.

Puis finalement, la formation aboutira en formation V (mais à l’endroit cette fois) puisque les romains s’engouffreront dans la brèche.

Puis c’est à ce moment précis qu’Hannibal activera son piège : il donnera l’ordre a l’infanterie lourde – postée à l’arrière de la ligne de front et équitablement répartie sur les côtés gauche et droit – de passer à l’action. Chacune des formations devra avancer sur son propre coté puis prendre les romains sur chacun de leurs flancs.

Ainsi les romains seront cernés de trois côtés : à l’avant, ils seront piégés dans le V de l’infanterie légère carthaginoise tandis que l’infanterie lourde les prendra sur leurs flancs respectifs.

Dans l’intervalle, la cavalerie d’Hannibal lancera l’assaut sur la cavalerie romaine répartie sur les côtés.

Sur le flanc gauche, la cavalerie carthaginoise étant deux fois plus nombreuse que la cavalerie romaine (6600 contre 3500) et mieux entrainée que cette dernière devrait facilement l’emporter soit en la détruisant soit en la mettant en fuite.

Une fois les cavaliers Romains défaits, la cavalerie Carthaginoise devra traverser les arrières de l’armée romaine pour porter assistance à leurs collègues du flanc droit qui se battent à armés égales contre l’autre cavalerie romaine (3300 contre 3500).

Pris en étau, les derniers cavaliers romains seront défaits.

Une fois la cavalerie ennemie détruite – ou mise en fuite – les cavaliers Carthaginois se réuniront à l’arrière de l’armée Romaine déjà cernée de trois côtés, formeront une longue ligne puis ils prendront à revers l’infanterie romaine.

Ainsi l’armée Romaine sera complétement encerclée. Attaqués de toutes parts les soldats Romains seront encastrés les uns sur les autres et perdront leur cohésion et leurs discipline. Puis ils seront progressivement « massacrés » jusqu’à ce que la destruction complète.

Ce plan nécessite une parfaite coordination entre les différents corps et des nerfs d’acier, la moindre défaillance pouvant nuire à la structure d’ensemble.

 

 

La bataille commença et le plan se déroula comme prévu.

A la fin de la journée l’armée Romaine fut complétement détruite.

Sur les 90 000 soldats Romains, 50 000 ont été tués et 20 000 de plus fait prisonniers (selon l’historien romain Tite-Live dont les chiffres approchent le plus la réalité).

Les Carthaginois n’ont perdu « que » 6000 hommes sur 50 000. Le ratio de pertes s’établit à 10 soldats Romains pour 1 soldat Carthaginois.

La victoire est totale pour Hannibal (cette bataille est aujourd’hui considérée comme un chef-d’œuvre et enseignée dans les académies militaires du monde entier).

 

4°) L’échec stratégique d’Hannibal

 

Que va faire Hannibal de cette extraordinaire victoire ?

Rome n’a plus d’armée à lui opposer – du moins dans l’immédiat – et la route de Rome est libre. Mais à la stupéfaction de certains de ses généraux, Hannibal refuse de marcher sur Rome. Il est persuadé que Rome est à bout et n’aura pas d’autre choix que de capituler – ou a minima – il arrivera en position de force à la table des négociations. Mais cela ne se produira jamais.

C’est l’un des épisodes les plus controversés de l’Histoire : beaucoup de personnes ont argué par la suite que si Hannibal avait marché sur Rome, il aurait pris cette dernière et remporté du même coup la guerre.

Mais les choses sont moins simples qu’elles n’y paraissent.

En fait, après de nombreuses recherches, il apparait évident que même après la bataille de Cannes Hannibal n’avait aucune chance de prendre Rome.

De nombreux arguments plaident pour cette théorie :

 

  • Pour assiéger une ville, il est indispensable d’avoir des armes sièges (c’est-à-dire des béliers, des catapultes, des tours d’assaut, etc.). Or Hannibal n’en dispose pas et personne en Italie ne peut lui en fournir. Dans cette perspective, c’est déjà cause perdue que de vouloir assiéger une ville. Comment prendre une place forte si on n’a pas déjà les moyens techniques en amont de le faire ?

 

  • Si l’on doit assiéger une ville, il est indispensable de ne pas avoir d’ennemi à l’affut. Or Rome dispose encore de troupes et de nombreuses cités-alliés dans la région qui peuvent envoyer des hommes pour briser le siège. Malgré leurs pertes, les romains gardent la supériorité numérique. Et au lieu d’être l’assiégeant, Hannibal deviendra l’assiégé. Dans cette situation prendre Rome relève de l’impossible.

 

  • Si par miracle, Hannibal parvient à encercler Rome avec succès et à repousser toutes les tentatives de libération extérieure, un autre problème se pose : le ravitaillement par mer de la ville. En effet, la ville sera peut-être encerclée au niveau terrestre mais au niveau maritime, Rome peut être approvisionnée par voie de mer, ce qui lui permettra d’obtenir le minimum vital pour ne pas succomber. Ainsi Rome a les moyens de tenir un long siège alors que les propres moyens des Carthaginois sont limités.

 

  • Et quand bien même Hannibal aurait pris Rome, cela ne signifie pas qu’il aurait nécessairement gagné la guerre. Cela aurait sans doute été un rude coup pour les Romains mais cela n’aurait pas empêché la classe dirigeante de Rome de fuir et d’établir un nouveau lieu de pouvoir afin de poursuivre la lutte.

 

Dans ces conditions il apparait clair qu’après Cannes, il n’y avait qu’une seule bonne raison de marcher sur Rome (la Capitale) mais que de nombreuses autres incitaient à ne pas y aller (évoquées ci-dessus).

 

5°) La nouvelle stratégie de Rome

 

Bien qu’assommés par toutes leurs défaites successives, les Romains n’entendent pas accepter la défaite.

La classe dirigeante Romaine nomme alors un « dictateur » Fabius Maximus déterminé à remporter la victoire finale contre Carthage et plus particulièrement contre Hannibal. Ses premières mesures consistent à reconstruire l’armée romaine.

Pour cela, il abaisse l’âge de la conscription à 17 ans (au lieu de 21 ans), il réduit les qualifications requises pour entrer dans l’armée, il décrète que tout esclave et que tout prisonnier seront affranchis s’ils combattent aux côtés de Rome. Il fait même dépouiller des temples les armes et les armures que les romains ont donnés en offrande à leurs dieux (ce qui était considéré comme un sacrilège à l’époque, ce qui en dit long sur la détermination des romains à vaincre).

Pour financer ces opérations il dévalue la monnaie romaine en la divisant par 6 (en temps de guerre, le fait de dévaluer la monnaie procure un avantage économique pour soutenir l’effort national).

Mais surtout, il adopte une nouvelle stratégie militaire face à Hannibal.

Désormais il faut à tout prix éviter l’affrontement direct avec lui, c’est-à-dire ne pas lui livrer bataille.

Pour le vaincre, il faut l’isoler de ses renforts éventuels d’Espagne ou d’Afrique, attaquer ses lieutenants sur le sol Italien, construire des fortifications au sud du pays afin de le priver de tout mouvement majeur, l’obliger à mener une guerre de position plutôt qu’une guerre de mouvement dans laquelle il s’épuisera progressivement et enfin « grignoter » les effectifs de son armée (qui dispose de ressources limitées).

En fait, c’est une stratégie d’attrition qui consiste à épuiser l’adversaire pour in fine le vaincre. Hannibal de son coté, pour les raisons que nous avons déjà évoquées, n’est pas en mesure de détruire Rome.

Sa stratégie consiste à pousser Rome à la capitulation – ou à l’amener à la table des négociations – pour cela il faut rompre les alliances diplomatiques de Rome sur le sol romain et remporter toute une série de victoires locales qui aboutiront nécessairement – selon Hannibal – à une victoire stratégique.

Ce sont donc des stratégies d’attritions mutuelles entre les deux camps.

Pendant 13 ans, de 216 à 203 avant JC, les deux camps vont jouer de cette stratégie l’un contre l’autre.

Sauf qu’Hannibal n’a aucune chance de l’emporter à ce jeu-là. Il est complétement isolé en Italie (Rome a la maitrise totale des mers), bien que certaines cités l’aient rejoint dans la lutte, la majorité d’entre-elles sont restées fidèles au pouvoir romain. Rome dispose d’une écrasante supériorité numérique contre lui, de l’ordre de 3 contre 1.

En 209, Rome décide d’envoyer des troupes en Espagne afin de s’emparer des terres précédemment conquises par Hannibal. En quelques années l’ensemble du pays tombe entre leurs mains. Et en 203, Rome débarque sur le sol africain pour affronter directement Carthage.

La classe politique Carthaginoise supplie Hannibal de rentrer pour sauver le territoire national. Ce dernier accepte et quitte le sol Italien après 15 ans de lutte contre Rome.

Les romains en forçant Hannibal à quitter leurs territoires prouvent la pertinence de leurs stratégies. Le chef Carthaginois s’est progressivement affaibli ainsi que son armée au cours de cette nouvelle forme de guerre menée par Rome. A tel point que durant 4 ans, de 207 à 203 avant JC, Hannibal a été forcé de se retirer à l’extrême pointe de la botte italienne parce qu’il n’avait plus les moyens de faire face.

Néanmoins, il ne faudrait pas croire qu’il fut passif depuis Cannes.

Hannibal a constamment cherché à mettre en échec la stratégie romaine et lui a d’ailleurs porté des coups sérieux. A plusieurs reprises, il est parvenu à surprendre et à détruire des armées romaines qui s’étaient imprudemment avancées sur son territoire (que ce soit à Tarentum et à Silarus en 212, ou à Herdonia en 210). Il a réussi à prendre plusieurs villes et n’a subi aucune défaite majeure contre Rome lors des différents combats qui ont eu lieu (il a même assiégé Rome en 211).

A tel point que lorsqu’il est parti pour Carthage en 203, 12 des 30 provinces romaines ont signalé à Rome qu’ils leurs étaient impossible de poursuivre la lutte tant elles étaient exsangues que ce soit en hommes et en finances. De nombreuses autres provinces Romaines étaient aussi au bord de la rupture.

La stratégie d’Hannibal a donc porté ses fruits contrairement à ce que l’on pourrait imaginer.

Mais il est sorti de la lutte nettement plus affaibli que Rome, ce qui signifie que c’est cette dernière qui l’a finalement emporté contre lui.

 

6°) La défaite finale de Carthage et d’Hannibal

 

Après être rentré à Carthage à l’âge de 44 ans- il l’avait quitté à l’âge de 9 ans – Hannibal prend la tête de l’armée Carthaginoise pour affronter (à nouveau) l’armée romaine.

En 202, sur la plaine de Zama à 200Km au sud-est de Carthage, l’ultime bataille a lieu mais c’est déjà joué d’avance : Hannibal perd la bataille face aux Romains compte tenu de la faible valeur qualitative des troupes Carthaginoises face à des Romains ayant retenu les leçons des différentes batailles livrées contre lui. Pour éviter que la ville ne soit rasée par les Romains, Carthage accepte de capituler puis de céder aux exigences de Rome.

Les conditions de Rome pour la paix sont drastiques :

 

  • Carthage doit accepter la perte de l’Espagne au profit de Rome

 

  • Les Carthaginois doivent verser 10 000 talents d’or en compensation à Rome et ce sur une période de 50 annuités (ce qui correspond à plusieurs fois leurs PIB annuels)

 

  • Ils doivent livrer la totalité de leur flotte de guerre (sauf 10 vaisseaux), livrer aussi leurs éléphants de guerre et libérer la totalité des prisonniers Romains

 

  • Et enfin Carthage doit s’engager à ne pas livrer la guerre contre une puissance étrangère sans avoir reçu au préalable l’autorisation de Rome.

 

Carthage a donc perdu la guerre et elle en a payé le prix fort.

 

  • Pourquoi Hannibal a t’il perdu la guerre ?

 

Les raisons de la défaite finale d’Hannibal sont diverses :

 

  • La détermination de la classe politique Romaine à ne jamais s’avouer vaincue même aux pires moments de la guerre

 

  • La capacité de Rome à mobiliser en permanence des armées de masse (en moyenne les romains avaient 20 légions de disponibles sur le terrain).

 

  • La maitrise totale des mers par Rome

 

  • Le fait que le réseau d’alliances fut dans l’ensemble fidèle au pouvoir Romain

 

  • Le manque de moyens et de soutiens à disposition d’Hannibal

 

  • Et la stratégie militaire adoptée par Rome

 

Dans tous les affrontements, il est infiniment préférable de disposer d’une supériorité stratégique plutôt que d’une supériorité tactique.

Parce que la première confère un avantage permanent en temps de guerre alors que la seconde ne confère qu’un avantage ponctuel qui ne saurait  remettre en cause le rapport de force global. Dans cette situation, malgré son génie militaire, Hannibal n’avait aucune chance de l’emporter car des résultats locaux aussi brillants soit-il (comme à Cannes par exemple) ne peuvent mettre en échec un système mis en place contre lui.

Hannibal fut par la suite exilé de Carthage où il vécu comme un Hermite passant de province en province à travers la Méditerranée. Il finit par se suicider en 183 avant JC, lorsqu’il fut le sur point d’être capturé par des soldats Romains venus l’arrêter pour le transférer à Rome afin d’être exposé comme un trophée puis d’être exécuté. Hannibal a choisi le suicide plutôt que de procurer à son ennemi héréditaire la satisfaction de l’avoir lui-même éliminé.

A la suite de ce conflit, Rome acquit la supériorité totale sur le bassin méditerranéen et finira par détruire complétement Carthage en l’an 146 avant JC à l’issue de la troisième (et dernière) guerre punique.

La guerre de cent ans (de 264 à 146) entre Carthage et Rome pris fin de cette façon.

 

OOO

 

Il est regrettable qu’Hannibal soit peu connu du grand public car c’était un chef de guerre aussi compétent et doué qu’Alexandre le Grand , Jules César et Napoléon Bonaparte (ce dernier le considérait d’ailleurs comme le plus grand capitaine de l’Antiquité).

Mais l’Histoire se montre parfois ingrate, surtout envers les perdants …

28 March 2018
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La Seconde Intifada (2000 à 2005) Comment un Etat moderne peut militairement vaincre les Kamikazes

La Seconde Intifada (2000 à 2005)

Comment un Etat moderne peut militairement vaincre les Kamikazes

 

Il existe un mythe tenace dans les sphères politico-médiatiques : « il est impossible de gagner face au terrorisme ».

Cette antienne a été réduite à néant à l’issue de la deuxième intifada ayant opposé l’Etat d’Israël au terrorisme islamique. Quand a commencé l’affrontement, personne – pas même les Israéliens – ne pensait que la victoire était de l’ordre du possible. On pensait que quelque soit la puissance militaire de l’Etat Hébreu, ce dernier serait incapable de mettre fin aux attentats terroristes car son armée était inadaptée à ce type de conflit et que la population palestinienne était prête – comme une entité homogène – à mourir pour la cause.

Quand on a – face à soi – des individus prêts à tout, la force n’est plus d’aucune utilité : la seule voie possible est d’abandonner la lutte. Contrairement à ce que l’on a pu penser, ce fut l’inverse qui se produit. Ce sont les autorités israéliennes qui ont progressivement repris le dessus sur le Terrorisme, en le tenant d’abord en échec puis en empêchant les attentats contre la population civile.

Et in fine, l’Intifada fut une défaite pour les extrémistes palestiniens dans la mesure où non seulement ils ont échoué à atteindre leurs objectifs mais de surcroit les israéliens ont accentué leur mainmise sur les territoires palestiniens.

Comment en est-on arrivé là ?

Par quelle réflexion et par quelle doctrine l’armée et la sécurité israélienne ont-elles pu s’adapter à ce nouvel adversaire ?

Pourquoi les succès initiaux des insurgés ?

C’est ce que nous allons tenter de comprendre dans cet article.

 

L’échec des pourparlers de paix

 

Depuis la guerre des six-jours en 1967, les territoires palestiniens (Gaza et Cisjordanie) vivent sous occupation israélienne. Mais aucune solution durable n’a été trouvée pour mettre fin à cette situation. Les palestiniens rêvent d’avoir leur propre Etat avec pour capitale Jérusalem-Est. Israël refuse et poursuit sa politique de colonisation en terre palestinienne. La tension monte.

En Décembre 1987, éclate la Première « Intifada » (mot d’origine arabe qui signifie littéralement soulèvement ou guerre des pierres). Le déclenchement de cet affrontement est dû à un accident de la route : un char israélien à Gaza a écrasé une voiture palestinienne tuant ses 4 passagers. Cet épisode met le feu aux poudres, les palestiniens sortent de leurs maisons et de leurs camps de réfugiés pour en découdre avec les militaires israéliens.

N’ayant aucune arme de feu, ils se servent de pierre comme projectile pour l’affrontement (d’où le terme intifada).

Les israéliens sont pris de courts et réagissent violemment : utilisation de matraques, de gaz lacrymogènes, passage à tabac des lanceurs de pierres quand ils sont pris sur le fait et parfois usage de balles réelles sur les manifestants, etc. La violence des images prises par la presse scandalise l’opinion internationale.

Les palestiniens prennent alors pleinement conscience qu’ils peuvent par la voie politique obtenir la création de leur Etat.

C’est aussi durant cette période qu’apparaissent les premiers attentats-suicides de types Kamikazes.

En 1992, les élections législatives israéliennes ont lieu et Itzhak Rabin devient Premier Ministre. Il fait sa campagne électorale sur le thème de la Paix en négociant avec les palestiniens. De discrètes négociations ont lieu à Oslo (Norvège) pour résoudre le conflit. Les négociations portent sur un retrait progressif de l’armée israélienne des territoires occupés, de la délimitation des frontières avec échange de territoire pour aboutir in fine à la création d’un Etat palestinien en paix avec Israël.

Un accord est finalement trouvé et il est signé à Washington entre Rabin et Arafat sous l’égide du président américain Clinton en septembre 1993. Mais cet accord de paix va échouer du fait des extrémistes religieux des deux camps.

Côté israélien, Rabin fut assassiné en Novembre 1995 par un fanatique juif opposé à la paix. Ses successeurs n’auront pas –loin s’en faut- la même conviction que lui.

Du côté palestinien, les organisations islamistes (notamment le Hamas) poursuivent une campagne terroriste contre Israël et ne reconnaissent pas l’autorité palestinienne.

Ce qui aboutit à une stagnation puis à un abandon du processus de paix. Le président Clinton tente une ultime médiation à Camp David à l’été 2000 mais échoue à trouver un accord du fait de l’intransigeance des deux camps.

 

Le déclenchement de l’Intifada

 

Convaincus que les négociations avec Israël n’aboutiront pas, les extrémistes palestiniens réclament une seconde intifada pour obtenir par la force des concessions d’Israël.

Ils sont encouragés en ce sens du fait de l’évacuation par les Israéliens du Sud-Liban où pendant 18 ans ils ont affronté le « Hezbollah » (parti politique Chiite crée par les Iraniens pour contrer Israël). Ce dernier présente ce retrait comme sa victoire.

Les palestiniens se persuadent alors que ce scénario peut se reproduire chez eux.

Le 28 septembre 2000, Ariel Sharon –ancien général israélien et hostile aux accords d’Oslo – décide d’effectuer une visite sur l’esplanade des mosquées (troisième lieu saint de l’Islam). Ceci est considéré comme une véritable provocation par les palestiniens et c’est la goutte d’eau qui fait déborder le vase.

Les manifestants palestiniens s’en prennent aux forces de sécurité israéliennes et c’est l’engrenage par « l’effet boule de neige ».


Emeutiers palestiniens 

Les objectifs des Belligérants

 

Du côté des organisations palestiniennes islamiques, l’objectif ultime reste la destruction de l’Etat Hébreu (article 7 de la Charte du Hamas).

Mais elles savent qu’elles ne pourront atteindre cet objectif.

Alors quels sont leurs véritables buts ?

Ils sont les suivants :

 

  • Créer un climat de terreur au sein de la population israélienne afin que cette dernière se démoralise et fasse pression sur le gouvernement israélien

 

  • Contraindre l’Etat d’Israël à se retirer des territoires occupés en touchant son économie

 

  • Et s’emparer du pouvoir au sein de l’autorité palestinienne (en supplantant le « Fatah » d’Arafat).

Du côté Israélien, l’objectif -dans l’immédiat- est de réduire le niveau de violence en rétablissant l’ordre et en protégeant les civils israéliens.

 

Les moyens mis en œuvre par les deux camps

 

Les organisations palestiniennes – et plus particulièrement le Hamas – s’inscrivent dans une logique de guerre asymétrique, c’est- à -dire d’un conflit du fort au faible ou du riche au pauvre.

La technique appliquée est celle de « l’attentat-suicide », qui désigne un individu prêt à sacrifier sa vie en se faisant exploser avec une ceinture remplie d’explosifs et de clous au sein de la population israélienne (civils ou militaires).

Les premières attaques de ce type eurent lieu en 1993 mais c’est sous la seconde intifada qu’elles vont s’amplifier de façon exponentielle. C’est un mode d’attaque à la fois peu couteux et efficace (un kamikaze peut faire des dizaines de victimes à lui seul et rencontre un grand succès médiatique). Difficile de trouver une parade pour contrer ce type d’attaques même avec une armée puissante.

On peut ajouter aussi des attaques de types conventionnelles : en envoyant des miliciens harceler l’armée israélienne sur ses bases, ses routes, ses lieux de repos et de ravitaillements…

La guerre se joue aussi sur le terrain médiatique : des palestiniens emportent avec eux des caméras ou des appareils photos afin de prendre des images compromettantes sur l’attitude considérée comme néfaste d’Israël afin d’obtenir le soutien de l’opinion public internationale.

 

La campagne de Terreur

 

Pendant les deux premières années de l’Intifada – de 2000 à 2002 – les palestiniens commettent des dizaines d’attentats de type kamikazes contre la population israélienne.

En 2001, il y a eu 40 attentats ayant causé la mort de 85 personnes.

En 2002, c’est 47 attentats tuant 238 personnes.

A ces morts, il faut rajouter des milliers de blessés – dont un fort pourcentage d’handicapés compte-tenu du fait que les bombes comportent aussi des billes et des clous – qui amplifie le nombre de victimes.

Devant cette campagne d’attentats, les autorités israéliennes dans un premier temps ne savent pas comment réagir. C’est la première fois qu’ils sont confrontés à une aussi importante vague d’attaques de ce type.

Les forces armées conçues pour combattre un ennemi visible et déclaré sur le champ de bataille ne sont pas adaptées à ce type de situation et la population civile terrifiée.

L’économie est touchée par ricochet : disparition des touristes qui désertent le pays et diminution des activités au sein des entreprises en raison de la situation (en 2001 et 2002, l’Etat d’Israël est officiellement en récession).

Attentat Kamikaze dans un bus israélien 

 

La riposte Israélienne

 

Ces deux années furent mises à profit par les Israéliens. Ce fut une phase de tâtonnement où les autorités ont mis en place de nombreuses réformes afin de mettre un terme à l’Intifada.

Mais mettre fin à la violence implique nécessairement un processus à la fois global et multifactoriel.

Quelles techniques doivent-être utilisées pour y mettre fin ?

 

  • Dans un premier temps il faut assurer le contrôle des populations palestiniennes,

 

Au Printemps 2002, « Tsahal » (l’armée israélienne) lance une offensive sur le territoire de l’autorité palestinienne afin d’avoir sous contrôle les civils. Cette mesure gène significativement les attaquants palestiniens à destination d’Israël car -pour atteindre leurs objectifs – ils doivent au préalable franchir le dispositif de sécurité (et notamment les cheiks-points).

Recruter des volontaires pour se battre devient alors très compliqués. De surcroît, cela limite les communications physiques entre les différentes cellules insurgées. Ce qui aboutit à une progressive asphyxie des militants palestiniens.

 

  • Procéder à des liquidations « ciblées »,

 

Cela signifie assassiner de façon individuelle les chefs de l’organisation terroriste et leurs principaux soutiens logistiques. Dans une guerre asymétrique, ce processus est plus efficace qu’on pourrait croire.

Parce qu’en les éliminant, on ne tue pas seulement les principaux membres, on supprime du même coup les individus les plus doués et les plus expérimentés de l’organisation.

Ce qui signifie une baisse qualitative du niveau militaire de ces mouvements et constitue un coup porté à leur moral. Enfin, les principaux concernés peuvent être amenés à dépenser la plus grande partie de leurs temps et de leurs énergies à leurs propres sécurités plutôt que de monter des attentats. Plusieurs centaines de personnes seront éliminées au cours de la seconde intifada. Ces liquidations sont menées par des raids de forces spéciales et notamment par des attaques d’hélicoptères.

 

  • Construire un « Mur de Séparation »,

 

En 2002, le gouvernement israélien décide de construire un mur de type « sécuritaire » le long de la frontière entre Israël et la Cisjordanie pour empêcher les candidats kamikazes de pénétrer en territoire israélien – ou a minima – de limiter leurs déplacements.

Ce qui complique encore la tâche des insurgés qui doivent déjà franchir les postes de contrôles israéliens sur leurs propres territoires.

 

  • Séparer les organisations terroristes de leurs soutiens extérieurs (à l’Etranger)

 

L’insurrection ne peut pas tenir si elle ne dispose pas de base dans des pays amis. Par différents moyens, Israël par sa diplomatie et ses services secrets font pression sur ces pays pour empêcher les palestiniens de se renforcer.

Le but étant notamment de les priver de leurs armes et de leurs financements, indispensable pour mener la lutte. C’est ainsi qu’une partie important des soutiens extérieurs des palestiniens tombera entre les mains des israéliens, ce qui limitera la marge de manœuvre des insurgés.

 

  • Mobiliser le public israélien,

C’est- à-dire tenir un discours extrêmement ferme, rendre confiante la population civile dans l’issue de la lutte, lui faire comprendre que la victoire finale est possible, faire passer le message sur la nécessité de se battre, etc.

Enfin apprendre aux civils sur la manière de prévenir les attentats : signaler un colis suspect ou abandonné, sur la façon de se comporter en cas d’attaque, comment avertir les autorités, etc.

 

Soldats israéliens en patrouille 

 

  • Activer le renseignement,

 

Dans toutes les guerres, la place du renseignement est primordiale.

Les israéliens ont alors donné le plus de moyens possible à leurs services de sécurité (Le « Shin Bet » pour la protection intérieure et le « Mossad » pour la protection extérieure). De surcroit, Israël est parvenu à se procurer de très nombreux informateurs chez les palestiniens. Selon Pierre Razoux, il y a eu jusqu’à 20 000 indicateurs au plus fort de l’Intifada.

Ainsi, les israéliens étaient très bien informés de ce qui pouvait se passer ainsi que des allées et venues des uns ou des autres.

 

  • Et enfin dissuader les populations palestiniennes de recourir à la lutte,

 

Les israéliens mettent en place un système médiatique de contre-terreur.

Tsahal fait avertir que si un kamikaze se fait exploser en territoire palestinien, sa famille en paiera les conséquences : elle sera expulsée de son logement (appartement ou maison) qui sera détruit et cette dernière ne bénéficiera plus d’aucune aide. Le but est de « forcer » les parents palestiniens à surveiller leurs propres enfants afin d’empêcher que le reste de leurs famille d’en subir les conséquences.

Les israéliens mettent aussi en place des numéros d’appels spéciaux afin que les familles informent les autorités de l’imminence d’une attaque ou d’un attentat par un membre de leur famille.

Et de nombreux appels ont été effectués par des familles désespérées…

 

Le résultat de cette campagne

 

Ces différentes mesures ont progressivement porté leurs fruits.

Les israéliens ont fait perdre leurs initiatives aux palestiniens. Les organisations terroristes au fur et à mesure vacillèrent sur leurs bases, enregistrèrent une baisse significative de leur efficacité et ne purent commettre d’autres attentats.

Le summum de la violence fut atteint en 2002 (47 attentats et 238 morts).

En 2003, il y a eu 23 attentats pour 145 morts (soit une diminution de 40% par rapport à l’année précédente).

En 2004, c’est 17 attentats pour 98 morts.

Et enfin, en 2005, c’est 9 attentats pour 33 morts.

Ce qui signifie qu’entre 2002 et 2005, le nombre d’attentats à la bombe a chuté de 81% et que le nombre de victimes tuées a baissé de 86%.

Le système de protection mis en place par Israël s’est révélé très efficace et a eu pour conséquence de mettre fin aux attentats – ou presque.

 

La fin de l’Intifada

 

Début 2004, Yasser Arafat tombe gravement malade. Fin octobre, il est transporté à l’Hôpital du Val-de-grâce à Paris pour être soigné. Mais il succombe à une infection le 11 Novembre.

En décembre, son successeur Mahmoud Abbas devient le nouveau président de l’Autorité Palestinienne.

Il entreprend alors des négociations avec Israël pour mettre fin à la violence.

Le 8 Février 2005, un accord de cessez-le-feu est conclu entre les deux belligérants.

Les organisations islamiques (y compris le Hamas) acceptent de le respecter.

C’est la fin officielle de la seconde intifada.

 

Le Bilan

 

Au cours de cette guerre, les pertes humaines furent élevées.

Chez les Israéliens, il y a 1050 morts (750 civils et 300 militaires) et 6000 blessés pour une population de 8 millions de personnes.

Chez les palestiniens, le bilan est de 4000 morts (autant de civils que de combattants) et 15 000 blessés pour 4 millions d’habitants.

Au-delà, des chiffres le résultat est sans appel : Israël est parvenu à briser la vague terroriste. Non seulement le nombre d’attentats et de victimes civiles ont considérablement diminués mais en plus la Palestine reste sous occupation israélienne. Progressivement, Israël a vu ses touristes revenir, son économie est sortie de la récession et elle réalise désormais un important taux de croissance.

En fait, les palestiniens n’ont atteint aucun de leurs objectifs et les Israéliens ont accentué leurs maitrises.

Mais ce succès n’est « que » militaire. Les raisons du mécontentement et de la violence restent toujours présentes encore aujourd’hui.

Reste à gagner la paix – ce qui est plus difficile que de gagner la guerre…

28 March 2018
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Comment la Deuxième Guerre Mondiale a été gagnée en dehors des champs de bataille.

Comment la Deuxième Guerre Mondiale a été gagnée en dehors des champs de bataille. Pourquoi « l’Axe » n’avait aucune chance de l’emporter ?

 

Depuis 1945, un certain nombre d’observateurs et de médias ont clamé que le dernier conflit planétaire s’était joué à peu de chose et que le «Monde Libre » par un sursaut héroïque l’avait emporté sur l’obscurantisme totalitaire.

Mais aujourd’hui, force est de constater que cette antienne est à ranger au rayon des mythes et légendes de l’Histoire.

En effet, 75 ans après, il apparait clair que l’Axe n’a jamais eu la possibilité de gagner la guerre – ou a minima – ses chances de succès étaient infimes et ce sur des périodes très courtes.On insiste beaucoup sur l’histoire-bataille dans l’issue d’une guerre, mais c’est oublier un peu vite que ce qui détermine l’issue d’un conflit est d’ordre multifactoriel. Et la guerre se gagne et se perd aussi en dehors des champs de batailles.

Nous allons tenter de démontrer dans cet article les raisons pour lesquelles l’Axe, de notre point de vue, ne pouvait gagner la Deuxième Guerre Mondiale.

 

1/ Le rapport de force entre les belligérants.

 

Quand on étudie le Second Conflit Mondial, on a tendance à se focaliser sur les Etats, alors qu’il est indispensable de voir plus large, c’est-à-dire d’examiner les alliances diplomatiques et militaires. Il faut quitter le « Roman National » et constater que cette guerre fut avant tout un affrontement d’alliances avant d’être un affrontement étatique.

 

Quelles étaient ces alliances ?

Il y en avait deux :

  • « L’Axe » : il est composé de l’Allemagne Nazie, de l’Italie Fasciste, du Japon Impérial et de plusieurs autres Etats européens (Roumanie, Bulgarie, Finlande, Hongrie et Tchécoslovaquie).

Environ 10% de la population mondiale.

  • « Les Alliés » : ils sont composés de presque tous les autres Etats du Monde (et notamment les grandes puissances de l’époque : Etats-Unis, Royaume-Uni, France, URSS et Chine).

Environ 85% de la population mondiale.

  • Et les Etats-Neutres, mais en très faible quantité : Suède, Espagne, Portugal, Suisse, Turquie, Afghanistan et Tibet (Il n’y a jamais eu aussi peu de neutres dans un conflit planétaire).

Environ 5% de la population mondiale.

 

On s’aperçoit immédiatement, qu’il y a un très net déséquilibre des forces entre les différents protagonistes.

Il apparait que les Alliés disposent d’un énorme avantage à la fois quantitatif et qualitatif contre l’Axe. Ce dernier est composé certes de grandes puissances mais l’économie de l’ensemble fait que ces Etats ne peuvent pas faire le poids face à la « masse » dont dispose les alliés. En cumulant leurs puissances respectives, les Alliés ont une très forte supériorité numérique (à la fois civile et militaire), un PIB dépassant largement celui de l’Axe et une productivité industrielle supérieure.

L’avantage n’est pas que quantitatif mais aussi qualitatif.

Les Alliés sont aussi supérieurs sur bien des points à l’Axe : Transport Aérien, Puissance de feu, Capacité de frappe, Suprématie Maritime et aérienne, Etc. (Les pays de l’Axe possèdent aussi des avantages mais ils sont largement insuffisants pour faire pencher la balance en leur faveur). Et le radicalisme de ce dernier (discours politiques, impérialisme, antisémitisme et nombreuses violations à la fois du droit de la guerre et humanitaire) s’est privé d’entrée de jeu, de toutes négociations avec les Alliés, qui sont soudés face à un ennemi commun.

Malgré leurs divergences (qui sont nombreuses), ils sont déterminés à abattre coute que coute l’Axe qui constitue une menace sérieuse non seulement pour leurs intérêts mais aussi pour la viabilité de leurs pays respectifs.

Déjà, en observant simplement le rapport des forces, on s’aperçoit que l’Axe est dès le début de la Guerre gravement désavantagé par rapport à son adversaire.

En terme démographique, il doit se battre à 1 contre 8,5 (il est déjà difficile de vaincre un adversaire à jeu égal alors quand on affronte un adversaire aussi puissant, on arrive en effet à un stade ou la victoire n’est plus dans l’ordre du possible, quelle que soit sa valeur individuelle. Parce ce qu’à un moment donné la quantité finit par l’emporter sur la qualité).

Et qualitativement, il doit faire face à des Etats ayant déjà fait leurs preuves sur le plan militaire lors du dernier conflit mondial (Grande-Bretagne et Etats-Unis) et disposant d’un espace stratégique (territoire) beaucoup plus important que le sien.

D’autres Etats feront aussi leurs preuves à l’ occasion de cette guerre (URSS).

Devant cette situation, on peut en tirer la conclusion logique qu’il était extrêmement difficile – pour ne pas dire impossible – à l’Axe de l’emporter face à une alliance aussi importante.

 

2/ La Capacité à mener une guerre longue (répartition des Matières Premières).

 

L’autre grand désavantage de l’Axe réside dans le facteur temps. Ce dernier est dans l’impossibilité de mener indéfiniment une guerre – contrairement aux Alliés.

En effet, il ne possède pas en nombre suffisant des Matières Premières (Pétrole, Acier, Caoutchouc et Nourriture) qui lui sont indispensables pour mener une guerre avec succès. Pour pouvoir mener un conflit sur le long terme, encore faut-il avoir les moyens en amont de le faire. Or l’Axe n’a pas suffisamment tenu compte de ce facteur. D’ailleurs la principale raison ayant amené Hitler à attaquer l’URSS – et le Japon à attaquer les Etats-Unis- était de s’approprier par la force ces précieuses ressources.

Pour atteindre ces objectifs, il faut dans un premier temps s’attaquer aux Alliés (qui compte tenu du rapport de force équivaut à une lutte de type David contre Goliath), atteindre un lieu géographiquement très éloigné (l’Armée allemande doit parcourir un territoire allant de la frontière polonaise au Caucase et la Marine Japonaise, du Japon à l’Asie du Sud-Est, soit des milliers de kilomètres à parcourir en territoire hostile).

Et enfin avoir les capacités de transports pour acheminer les matières premières jusqu’au pays concerné.

Mais de façon stupéfiante, l’Axe qui s’est donné tant de mal à préparer ces invasions, n’a jamais mis en regard les moyens nécessaires pour transporter ces matières premières afin de les utiliser à son avantage (puisque la totalité des moyens de transports à la fois civils et militaires sont mobilisés pour l’effort de guerre ; de surcroît il y a déjà un manque de moyens).

Ce qui signifie que même si l’Axe avait atteint ses objectifs, il aurait été incapable d’en exploiter les bénéfices (à supposer que ces ressources tombent intactes entre leurs mains…).

Mais il n’aura pas le loisir de constater son erreur, puisque les projets de conquête ont échoué… (La Wehrmacht et la Marine Japonaise n’ont jamais atteints leurs objectifs). Selon le Magazine « Guerre et Histoire » (dirigé par l’historien Jean Lopez), tout au long de la guerre l’Axe n’a jamais disposé que de 6% du pétrole mondial. En comparaison les Alliés en possédaient près de 80%.

Autrement dit, l’Axe s’est lancé dans un conflit mondial sans avoir les moyens de l’emporter et même s’il était parvenu à « s’approprier » des matières premières dans le camp ennemi, il aurait été incapable de les utiliser à son profit faute de moyens de transports. Non seulement, les pays de l’Axe ont démarré la guerre avec un rapport de force qui leur était largement défavorable mais en plus ils n’avaient pas les mêmes moyens que leurs ennemis.

Dans ces conditions, il apparait clair que sur le long terme l’Axe est condamné : il ne pourra indéfiniment tenir en échec une coalition mondiale dans cette lutte trop inégale.

 

3/ L’absence de Stratégie commune aux pays de l’Axe

A aucun moment les principaux pays de l’Axe (Allemagne Nazie, Italie fasciste et Japon Impérial), n’ont élaboré un plan commun afin de remporter la guerre.

Chacun de ces différents pays avait son propre objectif et sa propre idéologie.

Ces divisions ont conduit à une dislocation de la coalition étatique : l’écartèlement des forces pour des objectifs locaux et divers au lieu d’avoir un but commun et suprême (L’Allemagne Nazie voulait s’approprier l’Europe de l’Est, l’Italie Fasciste voulait conquérir le Bassin Méditerranéen et le Japon voulait avoir l’Asie dans sa sphère d’influence). Chacun a combattu dans sa « région » et sans cohérence par rapport aux autres.

Alors que dans le camp d’en face, les Alliés – malgré de nombreuses divergences et de nombreux conflits- sont parvenus à trouver une stratégie à la fois commune et cohérente pour défaire l’Axe sur un plan mondial.

De surcroit, la coalition de l’Axe a vacillé sur ses bases : certains Etats ont soit abandonné la lutte au profit d’une paix séparée avec les Alliés (la Finlande et l’Italie) soit ont adopté une attitude attentiste (la Roumanie et la Bulgarie). Alors que tous les pays dans le camp Alliés sont déterminés à remporter la lutte ensemble. D’autres Etats ont rejoint la coalition contre l’Axe au fil de la guerre (Etats-Unis et Canada en 1941, Italie en 1943, etc.).

Quant aux neutres, ils ont progressivement coupé les ponts avec l’Axe et ont adopté une attitude bienveillante à l’égard des Alliés.

En conséquence, l’Axe s’est progressivement affaibli alors que les Alliés se sont progressivement renforcés. Dans ces conditions, on peut se demander comment il est possible de gagner un conflit mondial avec des alliés poursuivant chacun leurs propres objectifs face à une coalition planétaire disposant de moyens beaucoup plus importants et ayant un même objectif.

 

4/ Le Caractère Industriel de cette guerre

 

Un autre facteur ayant joué contre l’Axe est sa capacité de production industrielle.

La puissance d’un Etat dans une guerre ne se mesure pas que sur sa valeur militaire. Il se joue aussi sur le facteur économique et plus particulièrement sur le plan industriel, c’est-à-dire sur la capacité de procéder à des percées et à des innovations qui permettront d’améliorer la qualité de l’armement militaire et le nombre de personnes qualifiées dans les usines pour les produire en masse.

Or à ce jeu, l’Axe est clairement désavantagé.

L’Allemagne nazie a en effet dilapidé de précieuses ressources dans la recherche et le développement pour des projets dont la plupart n’aboutiront pas faute de temps et de moyens. Et pour les projets ayant abouti, ils étaient d’une création trop récente pour être efficace à court terme (on peut penser aux Messerschmitt 262, aux V1 et V2 ou encore au fusil d’assaut Stg 44 qui étaient en avance sur leurs temps).

Dépenser pour améliorer son équipement est une chose mais le faire au détriment de la production déjà existante en est une autre. Exemple : le char «Tigre » (allemand) fut certainement l’un des meilleurs chars de la seconde guerre mondiale en raison de sa puissance de feu mais c’était un géant au pied d’argile. Il faut 300 000 heures de travail pour le produire (en comparaison il faut 10 000 heures de travail pour fabriquer un « Sherman » ou un « T-34 »), ses couts d’entretien sont exorbitants, il est trop lent et pas assez rapide – comparé à ses adversaires.

Malgré la supériorité de certains de ces matériels , il aurait mieux valu pour l’Allemagne de dépenser ses ressources à produire en masse des armes ayant déjà fait leurs preuves (ex :Panzer) plutôt que de rechercher de façon obsessionnelle une « arme miracle » qui ferait pencher la balance en leur faveur

Ce qui leur a fait perdre du temps et des ressources, alors que c’était justement ce qui leur manquait.

A contrario, les Alliés ont majoritairement dépensé pour produire du matériel déjà existant plutôt que de se perdre dans des projets dont l’issue est incertaine et ils avaient nettement plus d’ouvriers qualifiés dans leurs usines. Tout au long de la guerre, les Alliés ont pu construire beaucoup plus de chars, d’avions, de bateaux, de véhicules et d’armes que l’Axe. Ce qui leur a donné un avantage certain.

Et pendant le conflit, il y a eu un bombardement systématique (notamment sur la période 1943-1945) des usines allemandes pour limiter leurs niveaux de production (bien que l’industrie allemande ait pu produire plus d’armes en 1945 qu’en 1939, elle n’a pas été en mesure d’atteindre ses objectifs de pourvoir tous les besoins matériels de l’armée allemande et de ses alliés).

 

5/ L’arme nucléaire des Alliés

 

Depuis les années 30, les Etats-Unis ont constamment cherché à acquérir la bombe atomique (Projet «Manhattan» dans l’Etat du Nouveau-Mexique).

Et début 1945, les premières bombes nucléaires sont opérationnelles et peuvent être envoyées en territoire ennemi par des bombardiers lourds (B-29). A l’instant même où les Alliés ont disposé du feu nucléaire, on peut considérer qu’ils avaient déjà gagné la guerre dans la mesure où ils possédaient une capacité destructrice hors-norme dépassant tout ce dont l’Axe est capable.

Si pour une raison ou pour une autre, la guerre avait perduré encore quelques années – jusqu’en 1947-1948 –les Alliés auraient déversé des armes nucléaires qui auraient détruit la structure même de l’Etat et démoralisé la population civile. On a vu les résultats obtenus quand le Président Truman a décidé d’utiliser le bombardement nucléaire contre le Japon à Hiroshima et Nagasaki (faisant au moins 100 000 morts du fait de la seule explosion).

Le Japon qui jusque-là, avait voulu se battre jusqu’au bout a donc décidé de capituler. Le même scénario aurait pu se produire en Allemagne en 1945, si cette dernière n’avait pas été au bord de l’effondrement…

Le fait que les Alliés puissent détruire – sans coup férir-les points vitaux de l’Axe en 1945, amène à penser que ce dernier aurait eu alors tout intérêt à capituler plutôt que d’être détruit.

Quand bien même, l’Allemagne et le Japon auraient atteint leurs objectifs, cette épée de Damoclès aurait pesé lourd au-dessus de leur tête et les aurait contraint d’une manière ou d’une autre à abandonner la lutte contre les Alliés. Dans cette situation, la chute de l’Axe était inévitable.

 

6/ La Tactique au détriment de la Stratégie (Axe)

 

L’une des dernières raisons ayant contribué à la défaite des forces de l’Axe est la recherche obsessionnelle du résultat tactique (local) au détriment du bilan stratégique (résultat global).

L’armée allemande illustre le mieux cette absence de vision stratégique : pour cette dernière ce qui importe le plus est la recherche d’une « bataille décisive » dont l’issue à elle seule pourrait faire changer le cours de la guerre (conception clausewitzienne).

C’est-à-dire la recherche systématique de la destruction de l’ennemi. Or c’est une idée complétement obsolète de la guerre au XXème siècle. Ce que n’a pas compris l’Axe (et plus particulièrement les Allemands), c’est que l’on peut remporter 10 voire 20 grandes batailles sans pour autant gagner la guerre.

Depuis le début du 20éme siècle, il y a eu une cristallisation très profonde entre l’Armée, le Gouvernement, l’Industrie et la Population Civile qui ont créé un « Système ».

Et ce système Armée-Nation-Industrie, ne peut pas être détruit en une unique bataille -pas plus qu’en 10 – parce qu’il possède une résilience énorme. Une guerre ayant un caractère mondial, est nécessairement longue, mobilise la totalité des forces d’un Etat et ne se gagne que par accumulation de succès (de nature différentes).

Bien que la Wehrmacht ait remporté d’immenses succès tactiques lors de l’invasion des pays d’Europe de l’ouest (Benelux, France ou Scandinavie) et à l’Est (Opération « Barbarossa »), elle n’en a pas moins perdu la guerre…

Dans tous les affrontements, il est infiniment préférable d’avoir une supériorité stratégique (dont disposaient les «Alliés ») plutôt qu’une supériorité tactique (dont disposait « l’Axe ») parce que cette dernière –malgré de réels avantages- ne peut que freiner la défaite, alors que la première accélère la Victoire.

 

7/La défaite inéluctable de l’Axe

 

Quand on résume ces différents facteurs – rapport de force, répartition des matières premières, une industrie surclassée, l’arme nucléaire des Alliés et une absence de vision stratégique- il est clair que in fine l’Axe n’avait aucune chance de l’emporter.

Malgré sa supériorité tactique, l’Axe ne pouvait gagner stratégiquement (l’accumulation de succès locaux aussi importants et brillants soient-ils ne changent pas grand-chose à la situation stratégique). Beaucoup d’observateurs à l’époque ne s’en sont pas rendu compte, probablement à cause de la durée de cette guerre (6 ans) et du nombre de morts qu’elle a généré (environ 60 millions).

La mémoire des peuples ayant vécu cette expérience, la nature même du Nazisme et plus particulièrement l’industrie du Cinéma ont sans cesse dramatisé l’enjeu de la situation, depuis cette époque jusqu’à aujourd’hui.

On constate après avoir effectué des recherches approfondies, après avoir dépassionné le débat et dépassé la seule notion étatique, que l’issue de cette guerre était en fait joué d’avance en faveur des Alliés.

Mais comme souvent dans l’Histoire, ce n’est qu’après-coup que l’on se rend compte du cheminement inéluctable.

La question qu’il faudrait peut-être se poser est de savoir non pas pourquoi l’Axe a perdu mais comment a-t-il pu résister aussi longtemps à une coalition aussi importante face à lui ?

28 March 2018
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Opération « Pilier de Défense » (14-21 Novembre 2012). Israël contre le Hamas (Bande de Gaza).

La Guerre Asymétrique à la lumière de l’Opération « Pilier de Défense » (14-21 Novembre 2012).
Israël contre le Hamas (Bande de Gaza).

L’affrontement entre Israël et le Hamas, sur la Bande de Gaza, à l’automne 2012, a laissé perplexe de nombreux observateurs – médias, Etats, institutions et opinions publiques – quant à son résultat.
Chacun des deux camps a revendiqué la victoire alors que les « points objectifs » étaient peu nombreux.
Comme tous les affrontements asymétriques, ce sont les « points subjectifs » qui semblent prévaloir afin de déterminer qui l’a emporté. Mais avant d’approfondir nos recherches, il convient de définir un certain nombre d’éléments et de présenter un contexte global de la situation locale.

 

1°) Qu’est-ce qu’une guerre asymétrique ?

Une guerre asymétrique désigne littéralement un conflit du Fort au Faible ou du Riche au Pauvre.
Plus exactement, c’est un affrontement armé entre un Etat doté d’une puissante armée face à une organisation non-étatique dotée d’une milice rustique et faiblement équipée.
Contrairement aux apparences, ce type de guerre existe depuis l’Antiquité.
Mais ce type de conflit connait une résurgence depuis le milieu du XXème siècle.

§ Pourquoi ce type de guerre ?

Un certain nombre « d’organisations » se sont aperçues qu’ils leur étaient impossibles de remporter la victoire dans un conflit « classique », c’est-à-dire l’affrontement sur le champ de bataille.
Parce qu’elles étaient trop « faibles » humainement et matériellement pour l’emporter face aux « forts » dotés de moyens incomparablement plus puissants.

Pour parvenir à leurs fins , elles ont dû élaborer une stratégie basée sur la « guérilla » (mot d’origine espagnol qui désigne littéralement la guerre du paysan , la guerre du fermier) qui consiste non pas à détruire l’armée adverse mais à la harceler en permanence par une série de raids , d’embuscades et/ou d’attentats avec le soutien actif de la population civile , tout en évitant l’affrontement direct qui tournerait inévitablement à une défaite.

Il s’agit donc d’une série d’affrontements indirects qui consistent, à épuiser l’adversaire afin que ce dernier abandonne la lutte et remporter ainsi la victoire.
En de rares occasions, une organisation peut avoir accumulé tant de partisans et de soutien dans la population civile qu’elle peut aussi se lancer dans un conflit conventionnel et affronter les Etats dans un affrontement direct (Doctrine Maoïste)

§ Comment tenir en échec une insurrection ?

De l’autre côté, le rôle du « Fort » consiste à éliminer ce mouvement insurrectionnel – ou du moins à l’affaiblir le plus possible – afin qu’il ne constitue plus, de manière durable, une menace sérieuse.
Sa stratégie contre-insurrectionnelle consiste d’abord à séparer les populations des membres de l’organisation, à rechercher puis à détruire ses forces armées puis des actions politiques et psychologiques afin de gagner les « cœurs et les esprits » de la population .

Mais d’autres stratégies sont également possibles.
Des théoriciens militaires tels que Roger Trinquer ou David Galula ont élaborés ces différentes stratégies et sont les plus reconnues à ce jour comme méthodes de contre-guérilla (L’Armée française est une des premières au monde à avoir élaboré une doctrine de contre-insurrection et ce dès le début du XIXème siècle lors de la Guerre d’Espagne).

§ Quelle est la nature des combats ?

C’est un affrontement dans lequel aucun des adversaires ne peut écraser ou détruire l’autre, parce que ce n’est pas dans l’ordre du possible : une guérilla ne peut anéantir une armée gouvernementale du fait de sa taille qui est beaucoup trop importante pour elle. Inversement un Etat ne peut pas complètement détruire une organisation si elle est profondément incrustée dans le tissu social d’une population (sauf exception).
Le but étant d’affaiblir, de diviser son adversaire au maximum afin de l’amener à cesser ses activités – – ou a minima – arriver en position de force à la table des négociations.

Les deux adversaires alternent les mouvements offensifs et défensifs.
L’avantage de l’armée étatique réside dans sa puissance de feu, sa supériorité numérique, son entrainement et sa maitrise aérienne. Son désavantage réside dans la gestion du temps (on ne peut maintenir indéfiniment une armée en opération de guerre) et dans la volonté politique de ses gouvernants sans oublier le poids de l’opinion publique.
Inversement, l’avantage des insurgés réside dans leurs connaissances du terrain, du fait qu’ils possèdent l’initiative dans ce type d’affrontement et l’éventuel soutien de la population locale. A contrario leurs désavantages résident dans leurs isolements et dans leurs faiblesses matérielles voir humaines (le manque d’effectif).

Chacun des protagonistes tentent de contourner les points forts de l’adversaire et d’exploiter ses faiblesses.
C’est un affrontement qui ressemble non pas à un « jeu d’échec » dans lequel on prend des pions à l’adversaire pour in fine l’écraser, mais au « jeu de go » (les échecs version chinoise) dans lequel les adversaires accumulent les points et ne peut se terminer que lorsque les deux parties décident de passer leurs tours, c’est-à-dire d’abandonner la lutte.
Ce sont l’accumulation de «points objectifs » (Dislocation de l’adversaire, Buts poursuivis, Pertes, Etc.) puis de «points subjectifs » (Aspects Psychologiques, Succès symbolique, Opinion Publique, Etc.) qui déterminent le vainqueur.

§ Des exemples Historiques.

Il existe de nombreux exemples dans lesquels les Etats sont parvenus à vaincre certaines organisations (Conflit Basque, Tchétchénie, Seconde Intifada, etc.).
Et inversement certaines organisations l’ont emporté sur les Etats par usure de leurs adversaires (Guerre du Vietnam).
Il existe aussi des cas particuliers – ou intermédiaires – dans lesquels les Etats ont tenu en échec des organisations sans les avoir éliminés et vice versa (on peut évoquer ici le Conflit Nord-Irlandais , dans lequel l’armée britannique a échoué à détruire l’IRA mais a rendu impossible la victoire de cette dernière ; Ou encore la Guerre d’Algérie ou l’armée française est parvenue à détruire la branche armée du FLN, remportant ainsi une victoire militaire mais subissant in fine une défaite politique).

2°) Quelle est la situation de la Bande de Gaza ?

La Bande de Gaza est une bande côtière de 360 km2, située sur la Mer Méditerranée censée, en théorie, être une partie du territoire palestinien.

 

Bande de Gaza

§ Le rôle de Gaza dans le conflit Israélo-Arabe

Lors de la création de l’Etat d’Israël le 14 Mai 1948, une coalition de pays arabes (Egypte, Syrie, Jordanie et l’Irak) ont déclaré la guerre au jeune Etat Hébreu, pour des raisons territoriales – afin d’avoir un débouché sur la mer – et moins par solidarité avec les palestiniens ou par antisémitisme véhiculé par une certaine propagande.
Israël sort vainqueur de l’affrontement puisque non seulement cet Etat a survécu mais il a aussi étendu son territoire au-delà des lignes du plan de partage de l’ONU du 29 Novembre 1947.
Néanmoins l’Egypte est parvenue à occuper de la Bande de Gaza (la Jordanie de son côté s’est étendue à la Cisjordanie et Jérusalem-Est).

En 1967 lors de la Guerre des Six-Jours, Israël s’empare de la Bande de Gaza.
Le traité de paix israélo-égyptien de 1979 dispose que Gaza reste sous autorité israélienne (mais ne fait pas partie intégrante de son territoire national, donc c’est une occupation).

En 2005, le gouvernement d’Ariel Sharon décide d’évacuer unilatéralement la Bande de Gaza et de démanteler les colonies juives afin de faire un « geste » envers l’autorité palestinienne mais aussi face à la pression internationale.
De surcroit, le cout de la protection des 8000 colons juifs (occupant le tiers de ce territoire) face à une population de 1,7 million de palestiniens était considéré comme étant disproportionné.
En Juin 2006, les élections législatives palestiniennes donnent le « Hamas » (Mouvement de la Résistance Islamique) vainqueur du scrutin.

§ Qu’est-ce que le Hamas ?

Le Hamas est une organisation islamiste crée en 1987 par Ahmed Yassin et Abdel Aziz al-Rantissi, dont la Charte prône la destruction de l’Etat d’Israël (Article 7), l’expulsion de tous les juifs de la région et la création d’un Etat Islamique.
Il semble que ses créateurs se soit inspiré du mouvement «Hezbollah » parti politique d’inspiration « Chiite » libanais, crée par les Iraniens afin de contrer Israël. A contrario le Hamas est d’inspiration « Sunnite ».

Son but est d’empêcher tout accord israélo-palestinien en vue de conclure la paix : il a refusé les Accords d’Oslo de 1993 prévoyant la cessation du conflit et ne veut pas reconnaitre l’Autorité Palestinienne.
Ce mouvement s’est progressivement implanté dans le tissu social de la population palestinienne de par ses activités humanitaires palliant ainsi au déficit des autorités tant palestiniennes qu’israéliennes.
Du fait du nombre d’attentats commis contre les civils israéliens, ce mouvement est considéré comme une organisation terroriste par un certain nombre d’Etats et d’organisations internationales (ONU, Etats-Unis, Union Européenne, Australie, etc.).
L’un des buts du Hamas est de devenir le principal parti politique palestinien quitte à s’affronter avec l’autorité palestinienne.
En Juin 2007, le Hamas s’approprie le pouvoir par la force sur la Bande de Gaza et évince le « Fatah », parti politique modéré de Mahmoud Abbas (successeur de Yasser Arafat) qui était favorable à la négociation avec les Israéliens.

§ La guerre contre Israël

Israël réagit par un blocus militaire complet de ce territoire.
De son côté, le Hamas procède à des tirs de roquettes « Qassam » (ayant une portée maximale de 30 Km) sur le territoire israélien.

De 2007 à 2008, ce dernier a tiré plusieurs milliers de ce type de roquettes qui commettent peu de dégâts humains (il faut en moyenne 100 roquettes pour blesser un israélien et 400 pour en tuer un, du fait de l’imprécision des tirs et de leurs faibles puissances destructrices).
Mais cela suffit à créer un climat d’insécurité permanent, qui de surcroit gène l’activité économique de cette région.
Pour mettre fin à cette situation, Israël lance une offensive militaire (« Opération Plomb Durci »), fin Décembre 2008-début Janvier 2009, sur le sol même de Gaza afin de stopper les tirs de roquettes – ou au moins en réduire le plus possible.
Le but étant de détruire le plus grand nombre possible de roquettes, de dépôt d’armes, de fabrique de construction, d’élimination ciblée des ingénieurs affectés à cette tâche et de mettre hors-d ‘usage les tunnels reliant Gaza a l’Egypte (par lesquels passent toutes les armes du Hamas).
Apres trois semaines de combat les deux adversaires passent leurs « tours » et proclament un cessez-le-feu.
Le résultat fut dans l’ensemble plutôt favorable – sur le plan militaire – aux israéliens.
Par cette intervention, le nombre de tirs de roquettes fut considérablement réduit : on est passé l’année précédant l’offensive de 3300 roquettes tirées à 300 tirs l’année suivant l’affrontement (soit une réduction de plus de 90% des tirs).

Israël peut alors revendiquer la victoire militaire mais au prix d’un certain opprobre international du fait des pertes civiles causées au cours de cette intervention et de la disproportion des morts entre les deux camps : il y a eu 1400 morts palestiniens (dont une moitié de civils) pour 13 morts israéliens
Comment expliquer une telle différence de pertes ?
On peut commenter ce résultat par la très grande différence de moyens militaires entre les protagonistes.
L’armée israélienne dispose d’une grande puissance de feu et de moyens high-tech (Avions de combat, Drones, Technologie, Chars, Artillerie adapté au combat urbain et spécialisation de la troupe) alors que le Hamas ne dispose « que » d’une simple milice doté d’un équipement en partie rustique et rudimentaire.
Ce qui explique le grand écart de pertes entre combattants israéliens et palestiniens (selon certaines sources, il y a eu 10 soldats israéliens tués pour 700 miliciens du Hamas, soit une différence de 1 à 70).

 

Image illustrative de l'article Roquette Qassam

Roquette Qassam

De surcroit l’affrontement a eu lieu en zone urbaine densément peuplé.
Dans ce contexte et compte tenu du rapport de force entre les belligérants, il n’est pas étonnant qu’il y ait eu autant de morts chez les palestiniens et si « peu » en comparaison coté israélien (Néanmoins le rapport Goldstone de l’ONU accusera les deux adversaires de s’être livrés à des crimes de guerre voire à des crimes contre l’humanité).

Enfin les conditions de vie à Gaza se sont aggravées suite à cette intervention : il y a sur ce territoire exigu de 360 Km2, 1,7 million de palestiniens (ce qui en fait l’une des concentrations humaines les plus élevés au monde : ce qui pose alors des problèmes sanitaires, de tensions sociales et d’anxiété).
Sur ce nombre, 40% de la population active est au chômage et 70% vivent sous le seuil de pauvreté.

3°) La montée du radicalisme dans les deux camps

De cette situation ressort un radicalisme de la population palestinienne (une étude menée en 2002 auprès d’enfants palestiniens âgés de 6 à 11 ans a conclu que 50% d’entre eux préféraient devenir kamikaze plutôt que d’être ingénieur ou médecin).
De l’autre côté, Israël aussi à une partie de sa population qui se radicalise de plus en plus.
Il y a aujourd’hui 8 millions d’israéliens, sur ce nombre 25% sont constitués de partisans orthodoxes voire ultra-orthodoxes pour lesquels les palestiniens n’ont pas droit à un Etat – voire même pour les plus extrémistes, à expulser tout le peuple palestinien de son propre territoire afin de réaliser le « Grand Israël » biblique.

D’ores et déjà dans « Tsahal» (l’armée israélienne), il y a le tiers des soldats et la moitié des officiers qui se réclament de l’orthodoxie.
Dans une génération (soit dans 25 ans), il est possible que cette population devienne majoritaire au sein de la société israélienne (c’est-à-dire former plus de 50% de la population).
Ce radicalisme ne peut qu’exacerber la situation puisque chacune des deux parties semblent préférer le recours aux armes plutôt qu’à la négociation afin de trouver une paix durable (qui passe nécessairement par la création d’un Etat Palestinien).

§ Les pressions judicaires.

Ces tensions ne se traduisent pas seulement sur le terrain politique mais aussi sur le plan judiciaire.
En effet, à la suite de cette guerre, des ONG et des associations pro-palestiniennes, par l’intermédiaire de cabinets d’avocats, ont porté plainte contre l’Etat d’Israël et contre plusieurs de ses dirigeants –civils et militaires- en les accusant de violation du droit de la guerre et du droit humanitaire .
Le but étant de créer un Tribunal Pénal International ad hoc a l’instar de ce qui existe déjà pour le Rwanda ou l’ex-Yougoslavie.
Mais cette tentative n’a pas abouti compte tenu du fait qu’Israël n’a pas ratifié le Statut de Rome (prévoyant la justice internationale) et le Conseil de Sécurité de l’ONU n’a pas ordonné la création de ce tribunal.

Par crainte de représailles judicaires, Israël tient secret le nom de certains de ses responsables militaires ayant participé à cette opération et en limitant les déplacements de ses dirigeants dans certains pays susceptibles d’engager des procédures contre eux (Par exemple, la Belgique ou les tribunaux ont une compétence universelle).
Cet épisode illustre – à sa manière – les nouveaux moyens de pression dans un monde de plus en plus globalisé. Les tensions entre deux Etats peuvent aussi se traduire sur ce terrain.

4°) Un nouvel affrontement Israël-Hamas

Bien qu’un cessez-le-feu fût déclaré, les affrontements – ou les accrochages – ne sont pas rares entre militaires israéliens et miliciens du Hamas.
Ce dernier a pu reconstituer une partie de son stock d’armes depuis l’opération « Plomb Durci » et tire désormais 600 à 800 roquettes par an contre Israël.
Tsahal de son coté, mène de façon ponctuelle des opérations sur Gaza afin de réduire à nouveau ces tirs.
Le 14 Novembre 2012, la « liquidation ciblée » par un Drone d’Ahmed Jabari, le responsable militaire du Hamas par Israël, met le feu aux poudres et provoque un nouvel affrontement (c’est l’opération « Pilier de Défense » pour les israéliens).
Jusqu’au 21 Novembre, le Hamas va tirer 150 à 300 roquettes « Qu’Assam » par jour contre Israël.
Israël de son côté riposte par des attaques aériennes et des tirs d’artilleries qui se veulent « ciblées » (avec parfois des dommages collatéraux).

C’est un affrontement à distance dans lequel aucun des adversaires ne s’affrontent en combat direct ou en combat ouvert (alors que sur zone, il y a 10 000 miliciens du Hamas et 75 000 soldats israéliens prêt à être engagés dans l’affrontement ; cette inégalité numérique est accentuée par la différence qualitative, technologique et de puissance de feu entre les deux parties, ce qui démontre la disproportion des forces dans cette guerre asymétrique).
Chacun des deux camps tentent d’affaiblir, de disloquer l’autre afin de le contraindre à abandonner la lutte.
Le Hamas tente de causer un maximum de dégâts à la fois humains et matériels aux israéliens par ses tirs de roquettes.
Et Israël tente de faire stopper ces tirs ainsi que de détruire les infrastructures de l’organisation (QG, Routes, Ponts, Centre de Stockage, Armes et Liquidation ciblée).
Cependant ce combat n’est pas tout à fait comme les autres.
En effet, de nouvelles caractéristiques sont entrées en jeu.

§ Les nouveaux moyens des protagonistes.

Tout d’abord les Israéliens ont mis en place un nouveau dispositif appelé le «Iron Dome ».
C’est un système destiné à neutraliser les roquettes « Qassam » une fois qu’elles sont lancées : ce dernier est équipé d’un radar qui détecte le départ d’une roquette. S’il calcule que la roquette va frapper un site urbain ou densément peuplé, il va alors lancer un contre-missile destiné à intercepter la roquette afin de la détruire en vol.
Ce nouveau système s’est révélé efficace puisqu’il enregistre un taux de succès de 84% (Sur chacune des tentatives d’interceptions des roquettes).
Son défaut est son prix : pour chaque contre-missile, il y a une dépense d’environ 40 000 dollars, pour comparaison une roquette qu’Assam coute près de 1 000 dollars, soir une différence de 1 à 40 – ce qui illustre bien le concept de lutte du riche contre pauvre dans un conflit asymétrique.

L’autre défaut est qu’il n’intercepte que les roquettes destinées à frapper les villes ou les villages, les autres roquettes ne sont pas interceptées (parce qu’elles sont considérées comme pas « assez » dangereuses et ainsi éviter de trop fortes dépenses).
Les palestiniens de leurs côtés, ont testé un nouveau missile : le « Fajr-5 » livrée par l’Iran, d’une portée moyenne de 75 Km et avec une charge destructrice beaucoup plus importante.
Ces nouveaux missiles, peuvent désormais atteindre des centres plus « vitaux » tel que Tel-Aviv (la capitale économique israélienne avec les principaux ports et aéroports du pays) et Jérusalem (la capitale politique avec les lieux saints).
Ainsi la population israélienne à portée de tir du Hamas à Gaza passe de 1 million à 3,5 millions de personnes (soit presque la moitié de la population du pays).

Parallèlement à l’affrontement militaire, les deux parties se livrent aussi un affrontement médiatique.
Tsahal renouvelle sa technique qui était la sienne lors de l’opération « Plomb Durci » afin d’empêcher les soldats objecteurs de conscience de « fuiter » des informations : tous les militaires impliqués dans cette opération se voient confisquer par les autorités leurs moyens de communications (ordinateur et téléphone portable) , l’obligation de signer des clauses de confidentialité (ce qui signifie l’interdiction de parler à des journalistes sous peine de prison ) et la présence dans les unités de combats de la Police Militaire pour surveiller les hommes .

Système Iron Dome

Le Hamas de son coté, poste sur Internet des vidéos et des photos des civils et enfants palestiniens tués par les tirs israéliens afin de susciter l’indignation dans l’opinion publique mondiale.
Après 8 jours de combat et sous la pression internationale (par l’intermédiaire de l’Egypte), un cessez-le-feu est conclu.

5°) Le Bilan

Chaque camp a revendiqué la victoire. Mais qu’entend-on par le mot « victoire » ?
Aucune des parties n’a écrasé ou détruit son adversaire, tout au plus ils se sont infligés des dommages et des pertes qui à moyen terme seront remplaçables.
Quels « points » (objectifs et subjectifs) les adversaires ont-ils marqués ?

Du côté Israélien :

– Ils ont endommagé voire détruit un certain nombre d’infrastructures du Hamas, ce dernier mettra du temps à les réparer et /ou à les reconstruire (Ce qui limite voire handicape les activités de l’organisation).

– Le Hamas a tiré environ 60% de ses roquettes (1500 sur un stock de 2500) et notamment 90% de ses missiles « Fajr-5 », il lui faudra à nouveau du temps pour reconstituer son arsenal (cessation provisoire de ses tirs contre Israël).

– Les tirs de roquettes ont été relativement bien contrés : sur 1500 missiles tirés, près de 420 ont été interceptés par le système « Iron Dome » (avec un taux de réussite de 84%). Seuls 60 roquettes ont touchées des zones peuplés alors que près de 900 autres se sont écrasés en terrain vague et 150 de plus sont tombés sur la bande de Gaza.

– Le blocus n’a pas été brisé, ni même menacé. Il s’est probablement renforcé puisque les israéliens ont –semble-t-il- détruit la majorité des tunnels clandestins par lesquels passent les arsenaux du Hamas.

– Tsahal a mené une offensive médiatique qui s’est révélée relativement efficace : plus de 80% de l’opinion publique israélienne a soutenu cet affrontement (grâce à un intense discours sur la nécessité de riposter, de se poser en victime face au péril du terrorisme islamique et en faisant appel à une armée de sympathisants sur le net afin de répandre ce message puis d’affirmer la victoire d’Israël dans la lutte). Deux mois après, le gouvernement israélien était reconduit dans ses fonctions lors des élections législatives de Janvier 2013.

– Deux importants chefs du Hamas sont morts : le chef de la branche militaire (Ahmed Jabari) et le chef de la construction des roquettes et missiles (Osama Abdul-Jawad). Ainsi que quatre autres leaders d’une moindre importance (Coup porté au moral de l’organisation voir baisse qualitative de son niveau militaire).

– Et enfin le ratio de pertes, d’après des sources indépendantes, il y a eu 163 morts (dont 91 combattants) et 971 blessés (dont un nombre inconnus de miliciens) du côté palestinien pour 6 morts (dont 2 soldats) et 240 blessés (dont 20 militaires) du côté israélien.

Du côté Palestinien :

– Le pouvoir de nuisance du Hamas s’est accru, puisque la portée de tirs de ses roquettes et de ses missiles a augmenté et est à portée désormais de la moitié de la population d’Israël.

– Les pertes de ses chefs et de ses combattants seront vite remplacés (il y a 200 000 chômeurs en âge de porter les armes à Gaza).

– A moyen terme, ce dernier aura réparé ou reconstruit la plus grande partie de ses infrastructures et de ses tunnels ou emménager ailleurs (les destructions subies ne sont « que » provisoires).

– Deux succès symboliques : le blocus naval est reporté de 3 miles à 6 miles marin (finalement annulé par les israéliens le 22 Mars 2013 qui sont revenus à la limite initiale) et l’attentat à la bombe dans un bus à Tel-Aviv ayant blessé 28 personnes dont 3 gravement (c’est le premier attentat dans cette ville depuis 2006, ce qui tend à prouver que le dispositif de sécurité n’est pas infaillible).

– Avoir intelligemment présenté cet affrontement non pas comme une lutte mais comme un « massacre » des populations civiles par Israël (afin de se poser en victime et ainsi obtenir le soutien de l’opinion publique mondiale et plus particulièrement du monde « Arabo- Musulman »).

– Et enfin avoir gagné en popularité au sein de la population de Gaza.

§ Qui a gagné ?

En guise de conclusion, on peut estimer qu’Israël a remporté une victoire militaire ponctuelle contre le Hamas.
Mais ce succès est relatif, ce n’est que partie remise pour les deux adversaires.
Le Hamas est sorti plus affaibli de la lutte qu’Israël (qui n’a subi presque aucun dommage) mais dès qu’il aura pansé ses plaies, il sera à nouveau opérationnel pour un nouvel affrontement.
Tactiquement, Israël a gagné.
Mais stratégiquement, Israël ne peut pas imposer la Paix, pas plus que le Hamas ne peut gagner la Guerre.
Au vu de la situation, au mieux les israéliens peuvent remporter des succès militaires mais ils sont limités dans le temps et dans l’espace.
Et politiquement, la situation est toujours figée.
Reste à espérer que les deux parties trouvent une solution pacifique pour résoudre de façon durable ce conflit qui dure depuis 70 ans, avant que ne survienne une situation qui risque de se révéler in fine incontrôlable du fait des extrémistes des deux camps …

10 February 2018
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Un Etat problématique : le PAKISTAN – Une instabilité étatique chronique menaçant la stabilité mondiale

 

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PAKISTAN : Une instabilité étatique chronique menaçant la stabilité mondiale

Introduction :

Il existe de nombreux Etats dans le monde qui peuvent être considérées – à tort ou à raison – comme des « Etats Problématiques ».

Mais que faut-il entendre par cette formule ?

L’expression « Etat Problématique » contient des termes qui peuvent sembler – au premier abord – antinomiques. Il y a d’abord le terme « Etat » qui fait l’objet d’une définition juridique précise à savoir « l’existence d’un territoire, d’une population et d’un gouvernement effectif » et renvoie donc à une notion de stabilité.

Le fait d’adjoindre l’adjectif « problématique » au terme d’Etat tend à indiquer que les certains Etats concentrent des difficultés telles qu’ils doivent relever de cette qualification d’ « Etats problématiques ».C’est ainsi que par nature, la majorité des Etats pourraient rentrer dans ce qualificatif. En effet, il n’existe pas de définition objective ou précise de cette notion.

Pour autant, la notion « d’Etat problématique » ne peut se limiter qu’à des problèmes d’ordre interne. Il faut y adjoindre des problématiques d’ordre régional et/ou international.

C’est ainsi que l’on peut considérer qu’un Etat devient problématique à partir du moment où la nature de son gouvernement et/ou son instabilité interne sont de nature à créer des problèmes suffisamment importants pour nuire à la stabilité régionale voire menacer l’équilibre mondial.

L’absence de critère objectif permet aussi de faire évoluer cette notion dans le temps, les menaces ou les critères relevant de la formule « Etats problématiques » évoluant sans cesse.Il faut relever par ailleurs que certains Etats peuvent être qualifiés comme étant plus  problématiques que d’autres : il existe différentes échelles pour les mesurer. Certains Etats ne posent problème qu’en interne (ex : Soudan). D’autres en posent dans un cadre plus large (ex : Syrie). Enfin les derniers causent problème dans un cadre mondialisé (ex : Iran).

On peut aussi noter que certains Etats ont pu être considérés comme étant problématiques durant une certaine période. C’est ainsi que suite à des changements et des réformes engagés, ils ont rejoint la communauté internationale (ex : Afrique du Sud après l’Apartheid).

Mais d’autres encore sont réputés pour être des « Etats problématiques » depuis leur création. (Ex : Corée du Nord). En effet, ces Etats n’ont pas pu s’adapter ou surmonter le traumatisme de leur naissance.

Désigner ce type d’Etat reste un exercice compliqué parce qu’il repose aussi sur des critères subjectifs et les pays désignés ne font pas nécessairement consensus.

Certains considèrent en effet que des pays démocratiques peuvent faire partie de cette catégorie (les Etats-Unis du fait de leurs différentes guerres sont considérés par certaines personnes comme étant problématique). D’autres clament au contraire que les Etats désignés comme « Etat problématique » par les médias ne le sont pas ou ne le sont plus (ex : Tunisie depuis la fin de la Révolution).

Alors quel «État problématique » pouvons-nous choisir ?

De notre point de vue, il existe un Etat qui – depuis sa création – peut-être considéré comme faisant partie de cette catégorie car il est le « creuset de fractures globales » pouvant nuire à la stabilité régionale voire mondiale.

Cet Etat, c’est le Pakistan (« Le pays des pures » en Ourdou).

Le Pakistan est un Etat qui, depuis sa création, cumule toutes une série de problèmes structuraux à la fois endogènes et exogènes qui sont de nature à entrainer l’effondrement de celui ci et mettre potentiellement le feu au sous-continent indien.

En effet, les élites pakistanaises n’ont pas su – ou voulu – résoudre certaines des lignes de fracture de ce pays.Dés le début, le Pakistan fut une nation tronquée, une création de circonstances liée à la décolonisation britannique.

L’indépendance de cet Etat s’est effectuée de la pire des façons qui soit : déplacement forcée de populations, frontières mal définies, absence de transition démocratique, etc. Autant d’éléments disparates qui n’aidèrent pas le jeune état pakistanais à forger une nouvelle Nation et un sentiment d’adhésion.

Ces problèmes qui à l’origine n’étaient que conjoncturels sont progressivement devenus structurels. C’est ainsi que cet Etat est devenu de plus en plus difficile à réformer ou à transformer.La structure même du Pakistan – telle que nous la connaissons aujourd’hui – créée une profonde instabilité étatique qui peut potentiellement conduire à son effondrement. Elle maintient aussi le pays dans un état de pauvreté quasi général qui l’empêche de devenir un Etat émergent comme d’autres pays.

Les conséquences de cette instabilité sont multiples.

En interne, la population pakistanaise – l’une des plus nombreuses au monde – est livrée à elle-même en raison de la déficience généralisée de l’Etat. Cette carence d’État génère des franges de population se détournant des institutions nationales et qui recréées leurs propres règles. En certaines occasions, ces mêmes populations se tournent vers l’obscurantisme religieux qui est aussi un facteur d’instabilité.

L’instabilité interne du Pakistan a aussi des conséquences pour la région toute entière.

Au Nord, l’Afghanistan est maintenu en état de guerre presque permanent du fait des incursions des tribus pachtounes en provenance du Pakistan. Au Sud, L’Inde est en situation de conflit larvé avec le Pakistan au sujet du Cachemire (alternant les guerres ouvertes et les guerres froides). Enfin, le Pakistan possède l’arme nucléaire. L’instabilité du pays pourrait avoir comme conséquence de faire tomber ses armes en de mauvaises mains.

L’objet de cet article sera de démontrer comment les problèmes internes du Pakistan (dus aux circonstances de sa naissance) créent des troubles pour le sous-continent indien et comment ces troubles peuvent affecter la stabilité mondiale.

Pour ces différentes raisons, le Pakistan peut être considéré comme un « Etat Problématique » en raison de nombreuses fractures globales qui seront développées ci-après.

Quelles sont les causes (I) et les conséquences (II) de cette instabilité ?

C’est ce que nous verrons ci-après.

 

Première partie : Un jeune Etat menacé d’effondrement.

 

A) La naissance chaotique du Pakistan

 

  1. La genèse de cette Nation

 

Avant sa création en 1947, le Pakistan était une province de l’Inde.

Au début du XVIème siècle, les « Moghols » des envahisseurs venus de Perse et de confession musulmane ont attaqué puis envahit l’Inde.Puis ils fondèrent un empire qui dura plus de trois siècles (de 1526 à 1857). Suite à cette intervention, les Indiens ont vu leurs pays devenir multiconfessionnels.

Sous l’empire Moghol, le pays était dirigé par une minorité musulmane qui n’a jamais représentée plus de 15 % de la population. Tandis que la majorité hindoue (85 %) était tenue d’obéir. Malgré les efforts de certains empereurs moghols (en particulier Akbar qui régna de 1556 à 1605), il n’y eu jamais de réels ententes entre hindous et musulmans, chaque communauté vivait en vase clos et séparée l’une de l’autre.

C’est ainsi que débute l’animosité entre ces deux groupes religieux.

Dans le courant du XVIIIème siècle arrivent les Britanniques qui obtiennent la domination commerciale puis territoriale de l’Inde après avoir envoyé en exil le dernier empereur moghol en 1858. Un succès de l’Empire britannique basé sur la supériorité militaire mais aussi sur une politique efficace du «diviser pour mieux régner ». Les Britanniques ont intelligemment utilisé les tensions locales et confessionnelles à leurs profits : ce fut une des raisons pour lesquelles leur implantation fut si longue (près d’un siècle).

Leurs politiques étaient de confier des postes à responsabilité tantôt à des hindous tantôt à des musulmans afin de maintenir la rivalité et l’animosité entre ces groupes. Ainsi les autorités britanniques avaient la possibilité de se poser comme arbitre afin de réguler les tensions et de trancher entre les différentes doléances.

A la suite de la première guerre mondiale (1914-1918), les premières demandes d’indépendance apparurent en Inde comme une rétribution pour l’effort de guerre britannique. Son principal porte-parole fut Gandhi, avec sa politique de non-violence, agissant aussi bien au nom des hindous que des musulmans.

Mais certains musulmans ne voyaient pas la situation du même point de vue.  En 1906 fut créée la « Ligue Musulmane » des Indes afin de défendre les intérêts des musulmans du pays.

Le 29 Décembre 1930, Sir Mohammed Iqbal – philosophe et homme politique – réclama dans son discours devant la ligue « l’autonomie d’un Etat au nord-est de l’Inde pour les musulmans indiens ». Ce discours fut la première pierre à l’édifice pakistanais.

Mais ce qui va réellement faire avancer la situation, c’est la « Résolution de Lahore » du 23 Mars 1940. Mohammed Ali Jinnah, le nouveau président de la Ligue Musulmane demanda la partition de l’Inde entre deux états indépendants avec d’un coté les hindous et de l’autre les musulmans. Ce nouvel Etat pour les musulmans devra s’appeler le « Pakistan ».Notons que n’a jamais était utilisée l’expression « Etat Islamique » qui aurait signifié tout autre chose.

Il était prévu en effet que cet Etat ne serait pas une théocratie mais une démocratie.Cette demande est le résultat d’une tentative de gouvernement local entre les deux communautés religieuses.C’est durant cette période et l’échec de cette tentative que Jinnah s’est persuadé que les intérêts des musulmans ne seraient pas garantis dans une Inde qui deviendrait indépendante. D’ou l’intérêt de procéder à une partition afin que chaque groupe devienne indépendant par rapport à l’autre.

Les dirigeants de la ligue musulmane craignaient que leurs coreligionnaires ne soient « écrasés » par le poids démographique des hindous beaucoup plus nombreux.

A la suite de la deuxième guerre mondiale (1939-1945), le Royaume-Uni bien que victorieux fait figure de parent pauvre et doit faire face à des demandes indépendantistes dans tout son empire. En Inde, se rendant compte que la situation n’était plus tenable (il y avait 100 000 colons britanniques pour 350 millions d’indiens), la Grande-Bretagne accorda à l’Inde son indépendance en 1947.

C’est dans ce contexte qu’éclata la partition entre l’Inde et le Pakistan.

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Partition territoriale entre l’Inde et le Pakistan

  1. La Partition Indo-pakistanaise.

 

En Mars 1947, Londres envoie Lord Mountbatten en tant que Vice-Roi des Indes afin de trouver un accord entre les leaders hindous et musulmans.

Malgré les efforts de Ghandi pour empêcher la partition, la décision de séparer les deux communautés religieuses en deux Etats fut prise. C’est un épisode très controversé de l’histoire mais compte tenu des tensions et des massacres opposant les deux communautés durant ces pourparlers, on peut considérer qu’il n’existait que deux solutions imparfaites : soit une Inde et un Pakistan indépendants soit une guerre civile à caractère ethnico religieux.

Les autorités en charge du dossier ont décidé de faire la partition en séparant les provinces à majorité musulmane (qui formeront le Pakistan), des provinces à majorité Hindou (qui resteront en Inde). Un avocat anglais, Sir Cyril Radcliffe, a alors été chargé de déterminer les frontières de ces futurs Etats durant les négociations pour l’indépendance.

Or cet avocat n’est jamais allé sur le sous-continent indien et n’a eu en tout et pour tout que 5 semaines pour tracer desdites frontières. Cette méconnaissance de la situation locale et le peu de temps accordé ont conduit à un très mauvais traçage des frontières.

Le Pakistan fut en effet constitué de deux provinces situées à l’opposé l’une de l’autre (1700 Km de distance). A l’ouest, c’est le Pakistan Occidental (qui correspond à l’actuel Pakistan) et à l’est c’est le Pakistan Oriental (le Bangladesh d’aujourd’hui). Chacune de ces régions ont une identité politique, géographique et ethnique différentes. Les frontières ont été tracées avec une règle et non sur la base d’une planification rigoureuse.

De surcroît des affrontements et des massacres opposants les deux communautés ont eu lieu. Ce qui a conduit à l’exode de millions de personnes dans le pays : des hindous quittant le futur Etat pakistanais pour rejoindre l’Inde et des musulmans fuyant l’Inde pour le Pakistan.

Les régions les plus touchées furent le « Bengale » et le « Pendjab » (qui ont dû être coupées en deux afin de les répartir entre l’Inde et le Pakistan). Selon les études les plus récentes et les plus fiables, on estime qu’il y a eu 12 à 15 millions de personnes qui ont été forcées de partir en exil (ce qui constitue l’exode de population la plus importante du XXème siècle) et il y a eu aussi entre 500 000 et un million de morts du fait des massacres.

Le Pakistan devint officiellement indépendant le 14 Aout 1947. Mohammed Ali Jinnah en devint le premier président.

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Mohamed Ali Jinnah, le créateur du Pakistan 

 

  1. Les conséquences pour le Pakistan

 

Quand le Pakistan accéda à l’indépendance, il a du faire face à un nombre important de problèmes aussi bien en interne qu’en externe.

Quels étaient ces problèmes en 1947 ?

  • Une absence de sentiment national,

Malgré la volonté des dirigeants de la ligue musulmane et de Jinnah, l’Islam qui devait faire l’unité nationale, n’est en réalité que le plus petit des dénominateurs communs aux habitants du Pakistan.

En effet, les dirigeants pakistanais n’ont pas réussi à faire comprendre à leurs populations que la religion musulmane n’était pas seulement une identité religieuse mais aussi une identité à la fois politique et nationale.

  • Des frontières mal définies,

Au sud, les frontières du pays ont été tracées dans la précipitation sans avoir tenu compte des spécificités locales. Le Pakistan est aussi coupé en deux, entre l’est et l’ouest.

Ce qui constitue une absence de continuité territoriale et par voie de conséquence crée un certain nombre de difficultés inhérentes à cette situation (quand un pays est coupé en deux avec des populations différentes les unes des autres cela pose des problèmes de gouvernance).

Et au nord, la frontière avec l’Afghanistan fut tracée en 1893 (« Ligne Durand ») mais elle ne fut jamais acceptée par les tribus pachtounes, ce qui posera de nombreux problèmes par la suite.

 

  • L’afflux des réfugiés,

En 1947, le Pakistan comptait environ 37 millions d’habitants.

Parmi sa population, 6 à 8 millions de personnes sont des réfugiés qui ont du fuir l’Inde (les chiffres différent selon les sources mais ils apparaissent comme les plus fiables). Cela signifie que prés de 20% de la population pakistanaise occupe un pays qu’elle n’a jamais connu auparavant, ce qui n’est pas sans poser de problème en terme d’intégration et de vivre ensemble.

De surcroit, peu de choses étaient prévues pour accueillir ces personnes ce qui ne contribua pas à l’unité du pays.

 

  • Une absence de transition démocratique,

 

Bien que Jinnah fût un démocrate, il n’autorisa pas la tenue d’élections. Il estimait que le moment n’était pas opportun. Les élites pakistanaises n’avaient aussi aucun intérêt à procéder à des élections.Elles n’auraient pas été élues puisque leur seule légitimité était d’avoir été « installées » du temps de la colonisation britannique.

Or, certains historiens et politologues considèrent que cela fut une grave erreur. En effet, il faudra attendre prés de 10 ans avant de procéder à des élections avec de nombreux soupçons de fraudes et de pressions. L’opportunité de fonder immédiatement une démocratie représentative fit long feu. Le champ libre était ouvert à des régimes autoritaires.

 

  • L’animosité avec l’Inde,

 

Les drames de la partition et ses conséquences ont conduit les élites pakistanaises et une partie du peuple à considérer que l’Inde était « l’ennemi héréditaire » du Pakistan.

Cet état d’esprit fut renforcé par le problème du « Cachemire ».C’est une région située au nord-ouest de l’Inde dirigée par un prince hindou mais à majorité musulmane. On avait laissé le choix à cette province de choisir entre l’Inde et le Pakistan ou de devenir indépendant.

Devant l’indécision de cette province, les deux Etats firent valoir leurs droits en envoyant leurs armées respectives pour l’envahir. C’est ainsi que débuta la première d’une longue série de guerres opposant les pakistanais et les indiens.

Tous ces problèmes à l’origine n’étaient que « conjoncturels ». Mais progressivement, les élites pakistanaises par manque de volonté politique ou par opportunisme n’ont pas pu – ou voulu – résoudre ces problèmes. Tant et si bien que ces difficultés sont devenues « structurelles » et perdurent encore à ce jour.

Aujourd’hui, en 2018, soit 71 ans après sa création, le Pakistan n’en n’a toujours pas fini avec les lignes de fractures de son indépendance.

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Division du Cachemire entre le Pakistan (au Nord) et l’Inde (au Sud)

 

B) Un Etat déficient : source de problème interne.

 

  1. Une population civile livrée en partie à elle-même

Le peuple pakistanais doit faire face à de très nombreuses difficultés pour vivre au quotidien.

La carence de l’Etat est telle qu’il ne parvient pas à assurer le minimum vital pour la majorité de sa population (Education, Santé, Sécurité et Etat de droit). Ce qui a pour conséquence que cette dernière se tourne vers des tierces personnes qui ne sont pas toujours animées de bonnes intentions. De surcroit, cela crée une forme de chaos dans le pays.

A quels problèmes, la population est-elle confrontée ?

 

  • Un Etat de droit presque inexistant,

Depuis sa création, le Pakistan alterne les dictatures militaires et les gouvernements démocratiquement élus. Il y eut trois coups d’états militaires et les civils parvenus au pouvoir n’ont pas réussi à résoudre la situation.

Il a fallu attendre 2013, pour que la première fois un gouvernement démocratiquement élu parvienne à finir son mandat (5 ans) et soit remplacé par un autre gouvernement mis en place par les urnes et ce sans intervention de l’armée. Ce type de situation génère un climat instable dans tout le pays, faute de pouvoir envisager l’avenir.

De surcroit, chacun des gouvernements qui se sont succédés avaient leurs propres objectifs, ce qui n’était pas sans poser de problèmes en terme de cohérence. Cette absence de continuité dans la durée nuit au « système » dans son ensemble, c’est-à-dire une instabilité endémique qui freine la mise en place d’un Etat de droit.

Dans les classements internationaux (« Fragile States Index 2017 »), le Pakistan se classe en 17ème position en terme d’instabilité politique (en comparaison la France se classe 159ème sur 178). Ce seul chiffre suffit à décrire la situation politique du Pakistan.

 

  • Un état de pauvreté général,

 

L’absence d’Etat contribue à maintenir la population dans un état de pauvreté. En effet, l’absence d’écoles, de redistribution des richesses, d’hôpitaux, de capitaux étrangers et une corruption massive nuisent au développement de l’économie du pays.

Selon un rapport récent de l’ONU, plus de 50% des pakistanais sont analphabètes et 74% d’entre eux vivent avec moins de deux dollars par jour.

Le Pakistan se situe à la 147ème place sur 188 en terme de développement humain (« Human Development Index 2017»).

Tous ces éléments contribuent d’une manière ou d’une autre au maintien de la pauvreté et au faible niveau de vie du pays.

La corruption gangrène aussi le pays – aussi bien les hommes que les institutions – ce qui freine le développement humain et paralyse l’activité étatique (le Pakistan est classé 117ème sur 180 en terme de transparence selon “Corruption Perceptions Index 2017”).

Enfin la surpopulation du pays ne peut qu’aggraver la situation. De 1947 à 2013, la population pakistanaise est passée de 37 à 185 millions d’habitants, soit un rapport de 1 à 5. Selon les courbes démographiques, le Pakistan pourrait atteindre les 300 millions d’habitants à l’horizon 2050. Si la croissance démographique dépasse la croissance économique du pays, c’est l’aggravation de la pauvreté assurée.

Le pays possède toutefois certains des critères requis pour devenir une économie émergente mais il en est empêché à cause de ses fractures internes.

 

  • Une violence endémique,

Le pays est dans un état de violence quasi permanent depuis des décennies.

En terme de criminalité et de délinquance, le Pakistan est considéré comme un des pays les plus dangereux au monde. En 2012, on a enregistré 12 600 meurtres (soit 35 assassinats par jour).

Les attentats terroristes sont également courants. Selon le « Global Terrorism Index 2016 », le Pakistan est le cinquième pays le plus touché au monde par le terrorisme (qu’il soit de nature fondamentaliste, politique ou ethnique). En 2016, il y a eu 736 attentats et 2685 victimes (956 morts et 1729 blessés) du fait de ces attaques. Soit 2 attentats et 7 victimes par jour.

La violence est aussi un facteur d’instabilité et de chaos pour une nation.Cette situation ne peut que maintenir l’état de déliquescence dans lequel se trouve le pays.

 

  • L’intégrisme religieux et les persécutions des minorités,

 

Au Pakistan, l’Islam est considéré comme « religion d’Etat ». Aujourd’hui, prés de 97% des pakistanais sont de confession musulmane (après l’Indonésie, c’est le plus important pays musulman au monde). Mais depuis les années 1970, on assiste à une recrudescence d’un islam fondamentaliste.

Cette situation pousse à l’intolérance contre les minorités religieuses du pays. Il y a 3% de pakistanais non musulmans (1,5% de chrétiens, 1% d’hindous et 0,5% d’autres religions). Ces différents groupes font l’objet de discriminations dans le pays et les attentats contre eux ne sont pas rares (ex : Attentat suicide de Peshawar le 22 Septembre 2013, contre une église chrétienne causant la mort de 80 personnes et 130 blessés).

Et au sein même des musulmans, il existe une minorité Chiite (15 à 20% de la population) qui est persécuté par la majorité Sunnite (80 à 85% de la population).Cette situation ne peut qu’exacerber les tensions sociales rendant difficile – voire impossible – le sentiment d’appartenance à une nation.

 

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Les différents facteurs évoqués ci-dessus (liste non exhaustive) ne constituent pas un problème uniquement pour la population pakistanaise.

En effet, ces différentes lignes de fracture empêchent aussi l’Etat Pakistanais de se développer au même rythme que les pays limitrophes (Inde et Chine qui connaissent un développement et une croissance exponentielle malgré un ralentissement).

 

  1. Un Etat résilient malgré tout

 

Devant autant de difficultés, on peut se demander pourquoi l’Etat pakistanais ne s’est pas déjà effondré ?En fait plusieurs institutions ont assuré la « colonne vertébrale » du pays avec pour conséquence un minimum d’ordre et de cohérence dans le pays.

 

  • L’armée pakistanaise,

 

Quand le Pakistan accéda à son indépendance, la seule institution organisée était l’armée. C’est cette dernière qui a permis l’unité nationale.En effet, c’était la « force » la plus importante à laquelle personne n’osait s’opposer.

Répartie sur l’ensemble du territoire elle a pu, malgré de nombreuses difficultés, maintenir un semblant d’ordre dans les provinces et assurer du même coup une emprise étatique. C’est grâce à ce rapport de forces, que par la suite plusieurs généraux pakistanais (comme Ayub Khan dans les années 50 et Mussaraf en 1999) tentèrent des coups d’état et prirent le pouvoir aux civils. Ce qui accentua la main mise du gouvernement dans les provinces dites « difficiles » par des méthodes autoritaires (maintien d’un régime d’exception par exemple).

Aujourd’hui, l’armée pakistanaise est composée de centaines de milliers d’hommes qui sont équipés de matériels américains : c’est la colonne vertébrale du Pakistan. De par sa taille et son budget, c’est le secteur économique le plus important du pays. De surcroit, elle parvient à maintenir un minimum d’unité dans le pays. Néanmoins, il faut éviter toute conclusion angélique.

Cette armée outrepasse souvent ses prérogatives : elle a des liens avec le milieu des hommes d’affaires et des multinationales et a l’initiative de la vie politique du pays. Sans elle, le pays s’effondrerait mais dans la pratique, l’armée pakistanaise contribue à la stagnation économique et sociale du pays. Elle bloque aussi le processus démocratique (trois coups d’états depuis l’indépendance) et quand les civils sont au pouvoir, elle stoppe parfois leurs initiatives (exemple Benazir Bhutto a vu sa politique tenue en échec par les généraux agissant en sous-main).

De surcroit, elle est de plus en plus infiltrée par des groupuscules religieux de type fondamentaliste voulant imposer leurs propres lois. En définitive, cette armée permet le maintien de la nation pakistanaise mais elle « bride » toute évolution politique.

 

  • Les services secrets,

 

Les services secrets pakistanais (ISI) sont aussi une des clés de voute de la résilience pakistanaise. Ils sont au service des gouvernements et préservent leur maintien au pouvoir (ils peuvent aussi provoquer leurs chutes). Ils ne font pas uniquement du renseignement : ils exercent aussi une main mise sur la société pakistanaise.

En effet, de part leur surveillance accrue du territoire et de la population, ils sont en mesure de contrôler – ou a minima d’avoir une influence – sur des sphères de la population ou des institutions de l’Etat. Ainsi, ils contribuent d’une manière ou d’une autre à l’ordre public dans le pays. Mais comme l’armée pakistanaise, ils ont aussi des pratiques ambigües qui peuvent être nuisibles pour le pays.

En effet, certains entretiennent des liens pour le moins troubles avec des organisations terroristes (les talibans notamment). Tantôt ils sont leurs ennemis et tantôt ils sont leurs alliés – voire les deux à la fois – au fil des circonstances. C’est une manière pour eux de garder constamment l’initiative et d’être incontournable aux yeux de l’exécutif et des services secrets étrangers.

Mais cette politique constitue aussi une interférence pour la population civile : les services secrets ont un intérêt objectif à maintenir un minimum de désordre pour démontrer que l’on doit composer avec eux mais ils doivent aussi éviter le chaos étatique.

L’absence de maitrise de l’exécutif pakistanais sur les services de renseignements constitue une sorte de contre-pouvoir vis-à-vis des gouvernements successifs.

 

  • La population pakistanaise,

 

Enfin le peuple pakistanais bien que vivant dans des conditions précaires refuse majoritairement la chute de son Etat. Si l’Etat pakistanais s’effondre, ils craignent que leurs problèmes décupleront.

Devant cette situation, les pakistanais préfèrent le statu quo plutôt qu’une situation incontrôlable pouvant aggraver une situation déjà difficile.

 

Deuxième Partie : Les conséquences de ces lignes de fractures

 

A) Un risque d’embrasement pour le sous-continent indien : problème régional.

Les problèmes du Pakistan ne se limite pas à des problèmes endogènes.Son instabilité et ses prises de position peuvent avoir des conséquences négatives pour l’ensemble de la région.

  1. Tension permanente et conflit intermittent avec l’Inde

 

  • La question du Cachemire,

 

Depuis 1947, le Pakistan est en état de guerre quasi permanent avec l’Inde alternant les affrontements directs et les périodes de tensions. Ces deux pays se sont affrontés à quatre reprises depuis leurs indépendances respectives. Il y eut des conflits en 1947, en 1965, en 1971 et en 1999.

Trois de ces guerres avaient pour enjeu le « Cachemire » : cette province est située à cheval entre les deux pays. Chacun revendique la possession de ce territoire. Aujourd’hui le Pakistan en contrôle la moitié nord et l’Inde en contrôle la moitié sud. Aucun traité de paix n’a été signé et aucune délimitation de frontières n’a eu lieu. C’est un statu quo permanent dans lesquels les deux adversaires alternent les mouvements offensifs et défensifs afin de conserver ou d’étendre le territoire disputé.

A trois reprises, le Pakistan a tenté de conquérir le Cachemire à l’Inde et à trois reprises il a échoué.Et depuis 1989, les services secrets pakistanais entretiennent une guérilla permanente dans cette région afin de la rattacher au Pakistan. Ici encore, la tentative a échoué : l’armée indienne est parvenue à tenir en échec ce mouvement insurrectionnel mais les services de renseignements pakistanais poursuivent malgré tout leurs politiques (depuis plusieurs dizaines de milliers de personnes furent tués au cours de ce conflit larvé).

Le conflit au Cachemire reste sans issu pour l’instant.Pourquoi tant d’affrontements ?

Au-delà de la rationalité, il semble que l’enjeu pour les deux pays est avant tout d’ordre symbolique (il n’y a aucune ressource naturelle au Cachemire). Chacun estime que renoncer à cet objectif reviendrait à une « capitulation en pleine campagne » face à l’ennemi héréditaire et constituerait une trahison vis-à-vis des pères fondateurs de la nation. C’est à l’image de ce que fut l’antagonisme franco-allemand sur l’Alsace-Lorraine.

Mais le Cachemire n’est pas qu’une question politique ou militaire.C’est aussi une question de ressource hydraulique. En effet, le fleuve « Indus » traverse le Pakistan du nord au sud. Mais sa source se trouve dans l’Himalaya pour redescendre vers l’Océan Indien. Il passe aussi par le Cachemire : l’Inde y a installé des barrages en amont afin de capter davantage d’eau mais cela pénalise en aval les pakistanais qui voient diminuer leur débit d’eau.

Cette situation ne peut qu’envenimer une situation déjà difficile entre ces deux pays. Des accords binationaux ont été signés afin de réguler ces tensions et de mieux répartir l’eau mais ils sont régulièrement remis en cause par les protagonistes qui s’estiment lésés.

 

  • La perte du Pakistan oriental,

Un autre conflit eu lieu au Pakistan oriental (l’actuel Bangladesh) en 1971.

A la suite de tensions et de problèmes de gouvernance, cette région a proclamé son indépendance vis-à-vis du pouvoir central (ce dernier n’a jamais voulu organiser un Etat fédéral alors que la nature du Pakistan nécessitait ce type d’organisation étatique). Le Pakistan a envoyé des troupes pour stopper ce processus mais fut militairement vaincu par les populations locales qui organisèrent une lutte armée. Durant cette guerre civile, l’Inde en profita pour entrer en guerre contre le Pakistan et envahit ce qui deviendra le Bangladesh contribuant de manière décisive à l’Indépendance de ce futur Etat. Au moins 300 000 personnes furent tuées au cours de cette guerre (3 millions selon les estimations les plus fortes).

Cette défaite fut vécue comme une humiliation pour le Pakistan. Non seulement il a perdu la guerre mais il a perdu aussi une large partie de son territoire et de sa population (le Bangladesh représentait 15% du territoire pakistanais mais aussi 50% de sa population).

Moins de 25 ans après sa création, le Pakistan voit déjà son intégrité territoriale amputée.

Enfin, il a perdu un mythe national : ce n’est plus désormais « l’unique pays refuge des musulmans du Sous-Continent », puisque le Bangladesh est à majorité de confession musulmane.

Si l’on fait l’inventaire de l’ensemble des guerres qui ont eu lieu, on constate que le Pakistan les a toutes perdues (parce qu’il n’a jamais pu atteindre les objectifs qu’il s’était fixé) et qu’il a toujours été à l’origine de ces conflits (c’est lui, le premier, qui a lancé les hostilités contre l’Inde).

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Libération du Bangladesh par l’Inde en 1971

 

  • Le spectre de l’arme nucléaire,

 

Depuis 1998, l’Inde et le Pakistan sont devenus des puissances nucléaires (les indiens ont effectués leur premier essai nucléaire le 11 Mai et les pakistanais le 28 Mai de la même année).

Il y a désormais, une « épée de Damoclès » au-dessus de la tête des populations des deux pays. Si un conflit éclate à nouveau, il y a un risque d’embrasement nucléaire (la guerre de 1999 au Cachemire constitue le seul conflit au monde ou deux puissances nucléaires s’affrontent de façon conventionnelle sans recourir à l’arme suprême). L’Inde disposerait d’environ 140 têtes nucléaires, le Pakistan de 120.

Vu la taille et la concentration des populations civiles dans cette partie du monde (un milliard et demi d’habitants soit 20% de la population mondiale), on peut craindre le pire.

 

  • Les conséquences de ce conflit,

 

Les tensions avec l’Inde légitiment la part prépondérante du budget militaire dans les dépenses publiques pakistanaises (c’est le premier poste de dépense de l’Etat) alors que le pays vit dans une grande misère. Il justifie des lois et des mesures d’exceptions permanentes dans le pays, ce qui freine le processus démocratique. Enfin, il donne aux militaires pakistanais un accès privilégié aux décisions politiques bloquant ainsi les civils dans leurs prises de décision.

De nombreuses personnes appartenant à « l’establishment » ont ainsi un intérêt objectif à maintenir ce statu quo parce que leurs pouvoirs et leurs privilèges dépendent de cette situation.

De plus l’Inde et le Pakistan se voient chacun comme « ennemi héréditaire », ce qui ne constitue certainement pas une bonne nouvelle pour leurs populations respectives, comme si elles étaient condamnées à s’affronter continuellement.

Or ces deux pays auraient intérêt à faire la paix afin de développer leurs relations commerciales et aussi faire baisser la part de leurs budgets militaires aux profits de leurs populations qui sont dans une situation matérielle précaire.

 

  1. Les liens ambigües avec l’Afghanistan et les Talibans

 

  • Les guerres d’Afghanistan : la participation indirecte du Pakistan

 

Depuis l’invasion de l’Afghanistan par les soviétiques en 1979, le Pakistan a toujours entretenu un jeu trouble dans cette guerre. Il voit l’Afghanistan comme une base arrière (afin d’avoir une possibilité de repli en cas d’invasion indienne) et par conséquent perçoit mal toute intervention étrangère dans ce pays qui pourrait contrecarrer ses plans stratégiques.

Dans cette optique, il a laissé s’installer – et parfois encourager – une guérilla en Afghanistan en laissant les tribus pachtounes de son territoire se rendre dans ce pays afin d’y mener une lutte armée contre les envahisseurs étrangers (que ce soient les soviétiques ou les troupes de l’Otan).

 

Au Pakistan, il existe de nombreuses tribus et ethnies différentes. Mais une d’entre elle doit retenir notre attention : celles des « Pachtounes ». C’est un peuple composé de 50 millions de personnes et réparti en différentes tribus situées à cheval entre l’Afghanistan et le Pakistan. Lors de la colonisation, les britanniques ont imposé unilatéralement une frontière (nommée « Ligne Durand » en 1893) qui sépare ces populations entre les deux pays.

Cette frontière n’a jamais été reconnue par les populations pachtounes et ces dernières considèrent tout naturel de venir en aide à leurs « compatriotes » situés de l’autre coté de la frontière en cas d’invasion. Les Pachtounes ont toujours réclamé leur autonomie – voire leur indépendance – vis-à-vis du pouvoir central. Enfin, un certain nombre de ces tribus ont une conception fondamentaliste de la religion. Ainsi ils entrent parfois en conflit armé avec les autorités afin d’imposer leurs propres lois.

Cette situation permet au pouvoir pakistanais d’appliquer la stratégie « une pierre, deux coups ». En effet, non seulement la guerre en Afghanistan permet « d’évacuer » ce problème en laissant – ou en incitant – les populations pachtounes à combattre l’ennemi étranger et en interne cela permet de réduire la violence politique (Attentats et attaques contre les institutions).

C’est un double jeu auquel se livre le Pakistan : permettre aux guérilléros de tenir tête aux armées étrangères mais les empêcher aussi de remporter la victoire contre ces mêmes ennemis afin que la situation puisse perdurer éternellement – ou du moins le plus longtemps possible. Cette attitude pakistanaise pose de gros problèmes : l’Afghanistan est maintenu dans un état de guerre permanent depuis 35 ans et le Pakistan contribue à cette situation.

La région ne peut retrouver un semblant de stabilité que si la guérilla en Afghanistan se voit priver de ses lignes de ravitaillement (lui apportant des armes et des hommes).

Faire la paix – ou au moins obtenir une stabilisation – dans cette région dépend, en partie, de la volonté pakistanaise.

 

  • Le retournement de situation afghan,

 

Pendant longtemps cette attitude « attentiste » a été favorable au Pakistan, parce qu’il obtenait une « paix » intérieure. Mais depuis le milieu des années 2000, on assiste à un retournement de situation.

Les groupes de guérilla au Pakistan (et notamment les Talibans en zones tribales) se sentent désormais assez puissants pour affronter les autorités et ils sont entrés en lutte armée. C’est l’une des raisons pour lesquelles le pays est durement touché par les attentats terroristes.

Depuis le gouvernement pakistanais lance des offensives militaires dans les zones réputées proches des insurgés et des groupes terroristes (faisant plusieurs dizaines de milliers de morts). Mais en même temps, il les « ménage » parce qu’il en a toujours besoin.

Affaiblir ces groupes sans les détruire complètement semble être son objectif (parce que si ces derniers disparaissent le Pakistan n’aurait alors plus aucune utilité et le gouvernement perdrait ses moyens de pression sur ses « alliés » occidentaux).

C’est la politique de « la carotte et du bâton » qui varie au gré des intérêts de chacun. On peut qualifier cette situation de « guerre civile de basse intensité » (à l’opposé de la guerre en Syrie qui est une guerre civile de haute intensité). Cette région ne peut retrouver un semblant de stabilité que s’il y a une volonté politique pakistanaise de le faire (ainsi que des moyens pour la mettre en œuvre).

 

 

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Répartition géographique des groupes ethniques sur la frontière Pakistano-Afghane 

 

  1. Un pouvoir de nuisance dans un cadre mondialisé.

 

Enfin, l’instabilité du Pakistan n’est pas qu’un enjeu régional : il est aussi d’ordre mondial.

 

Dans ce pays, sont implantés les foyers du terrorisme international (Al-Qaïda notamment) et se pose la question de la dissémination des armes nucléaires pakistanaises. Ces deux facteurs inquiètent la communauté internationale parce qu’ils sont de nature à créer des troubles à l’équilibre international.

 

  1. 1. Un foyer du terrorisme international,

 

Sur le territoire pakistanais sont implantées de nombreuses organisations considérées comme terroristes. Sont notamment représentés les Talibans et Al-Qaïda. Le Pakistan leur sert de base arrière afin de fomenter leurs opérations militaires ou leurs attentats. Dans la lutte contre le terrorisme, le Pakistan perçoit chaque année plusieurs milliards de dollars des Etats-Unis afin d’équiper son armée et ainsi lui donner les moyens de l’emporter face à ses ennemis.

Le jeu trouble des dirigeants pakistanais précédemment évoqués n’améliore pas la situation : ils affaiblissent ces organisations sans pour autant les détruire afin de ne pas perdre le soutien américain.

Et l’absence de résultat significatif des autorités pakistanaises a conduit les américains à vouloir prendre en main les opérations de lutte anti-terroristes. Ainsi depuis Juin 2004, l’armée américaine mène une campagne de bombardement et de « liquidation ciblée » par le biais de drones de combat (avions sans pilote télécommandés à distance) sur le territoire pakistanais.

Ils y mènent aussi des actions commandos (notamment le raid du 2 Mai 2011 ayant conduit à l’élimination de Oussama Ben Laden). C’est une manière pour eux de débloquer une situation en éliminant le plus grand nombre possible de chefs talibans ou d’Al-Qaïda (en tuant les leaders les plus compétents ou les plus charismatiques, ils visent à diminuer le nombre d’attentats et aussi de porter un coup au moral de ces organisations).

Depuis on estime qu’il y a eu 350 frappes de drones ayant provoqué la mort d’environ 3000 personnes (dont au moins 300 civils) selon la « New America Foundation 2012 ».

Cette politique – l’immobilisme des autorités pakistanaises et la campagne de drones – n’est pas sans conséquence. En interne, la population pakistanaise entretient un profond sentiment antiaméricain (et dans une moindre mesure antioccidentale) parce qu’elle perçoit ces attaques de drones comme une violation de son intégrité territoriale. Cette rancœur est exploitée par ces mêmes organisations, leur permettant de recruter de nouvelles troupes.

Des représailles sont aussi organisées par Al-Qaïda et les Talibans par le biais d’attentats visant les institutions pakistanaises (la capitale Karachi est ainsi régulièrement l’objet d’attaques). Elle entraine aussi un sentiment de défiance vis-à-vis du pouvoir central parce que ce dernier se montre incapable de stopper cette campagne (grâce à Wikileaks on sait aujourd’hui que les pakistanais ont ponctuellement aidé les américains à éliminer tel ou tel chef qui leur posait problème).

Mais dans un même temps, le gouvernement pakistanais « laisse faire » parce qu’il doit démontrer sa bonne foi dans la lutte anti-terroriste pour ne pas perdre le soutien de la communauté internationale.

Il est ainsi « entre le marteau et l’enclume », avec d’un coté la pression de l’opinion publique pakistanaise et de l’autre le poids des Etats-Unis.

En externe, le Pakistan a souvent était pris en porte à faux. Le fait d’avoir de si nombreux chefs terroristes sur son territoire et de ne pas les avoir arrêtés lui-même (Ben Laden notamment) ont conduit la communauté internationale à se méfier de ce pays. Il n’est pas perçu comme fiable et les forces de l’Otan ne lui accorde de l’aide que quand c’est nécessaire.

A contrario, les pakistanais ne donnent pas toutes les informations nécessaires dont ils disposent et entretiennent délibérément leurs « alliés » dans le flou afin de conserver l’initiative. Cette situation est évidemment tout sauf une bonne nouvelle.

Le jeu trouble du gouvernement pakistanais, les luttes en interne, les talibans, le poids de l’opinion publique, la campagne de drones et les pressions de la communauté internationale conduisent à un affrontement permanent dans lequel tous ces protagonistes contribuent à l’instabilité du pays et pas voie de conséquence constitue une nuisance pour l’équilibre mondial.

Ce conflit est du à des intérêts contradictoires dans lesquels plusieurs de ces groupes passent des alliances entre eux afin de contrer les autres au gré des circonstances.

Et la situation ne peut que perdurer tant que les protagonistes n’auront pas le sentiment d’avoir atteint leurs objectifs respectifs à savoir affaiblir durablement leurs adversaires.

 

  1. Le problème des armes nucléaires,

 

  • Dissémination nucléaire,

 

L’un des principaux points d’inquiétude concernant le Pakistan concerne « l’exportation » de son armement nucléaire. Ce pays est devenu puissance nucléaire en 1998 grâce à un scientifique nommé Abdul Qadeer Khan. Ce dernier est aussi connu pour ses opinions proches des fondamentalistes religieux. Depuis cet homme « vend » ses services à différends pays à travers le monde : Iran, Corée du Nord et Libye sous Kadhafi.

Or ces pays sont considérés par la communauté internationale comme étant des « Etats voyous » (ou « l’Axe du Mal » dans la doctrine de l’administration Bush). Il y a alors un risque de dissémination du savoir faire pakistanais en terme d’armement nucléaire à des pays peu « recommandables ». Et aujourd’hui, certains spécialistes considèrent que le Pakistan a contribué à l’élaboration d’armes nucléaires au profit de puissances telles que l’Iran et la Corée du Nord.

Cet état des lieux ne peut qu’aggraver une situation internationale déjà tendue dans laquelle les grandes puissances tentent de stopper ces pays dans leurs recherches d’appropriation du nucléaire militaire.

Si ces pays ont acquis – ou sont sur le point d’acquérir – de l’armement nucléaire grâce au Pakistan, de nombreux autres Etats voudront aussi le faire (afin de se protéger de toute attaque étrangère).

Ainsi les puissances nucléaires risquent de croitre de façon exponentielle, ce qui n’est pas sans poser problème en terme de tensions et de rapport de force internationaux. Depuis, de nombreuses pressions sont exercées sur le gouvernement pakistanais afin qu’il stoppe les agissements de certains de ses scientifiques exerçant cette activité.

Des mesures ont été prises. Abdul Khan n’a pas fait l’objet de poursuites judiciaires mais il a été assigné à résidence (il est libre de se déplacer dans son pays mais interdiction de séjour à l’étranger). Et les autres scientifiques pakistanais font l’objet de davantage de contrôles par les autorités. Mais les inquiétudes demeurent quant à l’exportation de ce savoir-faire.

 

  • La sécurité des armes nucléaires,

 

Se pose aussi la question de la sécurité nucléaire. Le Pakistan connaît un état d’instabilité permanent depuis sa naissance. Plusieurs pays et organisations internationales sont inquiets quant à l’intégrité du stock nucléaire.

Ces armes sont sous le contrôle de l’armée pakistanaise mais cette dernière est aussi infiltrée par des éléments fondamentalistes proches des Talibans, se pose alors la question de savoir si ces armes sont alors suffisamment sécurisées afin d’éviter qu’elles ne tombent entre de mauvaises mains.

Certaines personnes dans la communauté internationale ne le pensent pas. Ils craignent que la sécurité ne soit pas maximale et que le gouvernement pakistanais ne contrôle pas entièrement son propre arsenal nucléaire.

Mais que se passerait-il en cas d’effondrement étatique ? Que deviendraient les armes nucléaires ?

Dans cette situation, on est en droit de craindre le pire. Les Talibans pourraient alors se les approprier. Il est aussi possible de voir ses armes être soumis à la vente sur le marché noir (avec le risque de tomber aux mains d’organisations terroristes). Dans un cas comme dans l’autre – instabilité ou effondrement étatique – pose la question et le risque de perdition de ces armes entre de mauvaises mains. Cette situation serait alors de nature à compromettre la stabilité mondiale.

 

Conclusion :

 

Quel bilan pour le Pakistan aujourd’hui ?

Plus de 70 ans après son indépendance, force est de constater que ce pays n’est toujours pas parvenu à résoudre ses problèmes de fond. Cet Etat fut une création de circonstances afin de regrouper les musulmans de l’ex-empire des Indes. N’ayant pas surmonté ses lignes de fractures intérieures, les problèmes du Pakistan ont un impact négatif pour le sous-continent indien.

Par effet de vases communicants, l’instabilité étatique de cet Etat est de nature à compromettre l’échiquier mondial notamment à cause de ses armes nucléaires et du terrorisme. Néanmoins, il existe aussi des raisons d’espérer. La situation du Pakistan peut encore s’améliorer.

Depuis 2013, le pouvoir civil a vu pour la première fois une transition démocratique sans heurts. On assiste peut-être au début d’une relative stabilisation.

Au niveau militaire, il semble que les Talibans et autres groupes terroristes n’aient plus la capacité réelle de faire basculer l’état pakistanais (même si leurs pouvoirs de nuisance restent forts). Et dans la lutte contre le terrorisme, de réels progrès ont été enregistrés depuis ces dernières années même s’ils demeurent encore insuffisants – entre 2012 et 2017, le nombre d’attentats et de victimes d’actes terroristes ont baisse de prés de 50%.

Devant ces progrès, on est en droit d’espérer pour le Pakistan une stabilisation politique conduisant in fine à une amélioration des conditions de vie et des droits de l’homme pour la population.

Mais il faut aussi prendre garde à toute interprétation idyllique. L’équilibre de ce pays reste encore précaire et rien ne garantit le retour à des coups de force et à la spirale de la violence. L’avenir nous dira si le Pakistan est voué à l’éclatement ou à la stabilisation.

Dans l’intérêt de la stabilité mondiale, il est préférable que la seconde hypothèse l’emporte…

 

Sources :

Bibliographie :

  • La géopolitique du Pakistan, Hérodote n°139, Collectif, 4ème trimestre 2010.
  • Le Cachemire dans le conflit indo-pakistanais 1947-2004, L’Harmattan, Nathalène Reynolds, 2005.
  • Le Pakistan, Fayard, Christophe Jaffrelot, 1997.
  • Le syndrome Pakistanais,  Fayard, Christophe Jaffrelot, 2013.
  • Les voix de la partition Inde-Pakistan, Broché, Urvashi Butalia, 2002.
  • Réseaux islamiques : la Connexion afghano-pakistanaise, Hachette Littérature, Olivier Roy et Mariam Abou Zahab, 2004.

Site Internet :

  • Global Terrorism Index.
  • Le Monde (Journal).
  • New American Foundation.
  • Transparency International

Sources Audiovisuelles :

Faut-il avoir peur du Pakistan ?, Documentaire 2007, 50 Minutes. Se consacre à l’instabilité politique chronique du pays et à ses défis intérieurs.

Gandhi, Film de Richard Attenborough 1982, 180 minutes. Biographie sur Gandhi. Les 45 dernières minutes de ce film sont consacrées à la naissance du Pakistan lors de la partition de l’ex-Empire britannique des Indes.

Pakistan quelques clefs pour comprendre, documentaire France 3 2007, 110 minutes. Traite de l’histoire de ce pays de ses origines à aujourd’hui avec toutes les crises auquel il a été confronté.

Un œil sur la planète : le Pakistan, pays de tous les dangers, Emission France 2 2010, 110 minutes. Description du Pakistan et de ses problèmes internes et externes.