Comment la Deuxième Guerre Mondiale a été gagnée en dehors des champs de bataille. Pourquoi « l’Axe » n’avait aucune chance de l’emporter ?
Depuis 1945, un certain nombre d’observateurs et de médias ont clamé que le dernier conflit planétaire s’était joué à peu de chose et que le «Monde Libre » par un sursaut héroïque l’avait emporté sur l’obscurantisme totalitaire.
Mais aujourd’hui, force est de constater que cette antienne est à ranger au rayon des mythes et légendes de l’Histoire.
En effet, 75 ans après, il apparait clair que l’Axe n’a jamais eu la possibilité de gagner la guerre – ou a minima – ses chances de succès étaient infimes et ce sur des périodes très courtes.On insiste beaucoup sur l’histoire-bataille dans l’issue d’une guerre, mais c’est oublier un peu vite que ce qui détermine l’issue d’un conflit est d’ordre multifactoriel. Et la guerre se gagne et se perd aussi en dehors des champs de batailles.
Nous allons tenter de démontrer dans cet article les raisons pour lesquelles l’Axe, de notre point de vue, ne pouvait gagner la Deuxième Guerre Mondiale.
1/ Le rapport de force entre les belligérants.
Quand on étudie le Second Conflit Mondial, on a tendance à se focaliser sur les Etats, alors qu’il est indispensable de voir plus large, c’est-à-dire d’examiner les alliances diplomatiques et militaires. Il faut quitter le « Roman National » et constater que cette guerre fut avant tout un affrontement d’alliances avant d’être un affrontement étatique.
Quelles étaient ces alliances ?
Il y en avait deux :
- « L’Axe » : il est composé de l’Allemagne Nazie, de l’Italie Fasciste, du Japon Impérial et de plusieurs autres Etats européens (Roumanie, Bulgarie, Finlande, Hongrie et Tchécoslovaquie).
Environ 10% de la population mondiale.
- « Les Alliés » : ils sont composés de presque tous les autres Etats du Monde (et notamment les grandes puissances de l’époque : Etats-Unis, Royaume-Uni, France, URSS et Chine).
Environ 85% de la population mondiale.
- Et les Etats-Neutres, mais en très faible quantité : Suède, Espagne, Portugal, Suisse, Turquie, Afghanistan et Tibet (Il n’y a jamais eu aussi peu de neutres dans un conflit planétaire).
Environ 5% de la population mondiale.
On s’aperçoit immédiatement, qu’il y a un très net déséquilibre des forces entre les différents protagonistes.
Il apparait que les Alliés disposent d’un énorme avantage à la fois quantitatif et qualitatif contre l’Axe. Ce dernier est composé certes de grandes puissances mais l’économie de l’ensemble fait que ces Etats ne peuvent pas faire le poids face à la « masse » dont dispose les alliés. En cumulant leurs puissances respectives, les Alliés ont une très forte supériorité numérique (à la fois civile et militaire), un PIB dépassant largement celui de l’Axe et une productivité industrielle supérieure.
L’avantage n’est pas que quantitatif mais aussi qualitatif.
Les Alliés sont aussi supérieurs sur bien des points à l’Axe : Transport Aérien, Puissance de feu, Capacité de frappe, Suprématie Maritime et aérienne, Etc. (Les pays de l’Axe possèdent aussi des avantages mais ils sont largement insuffisants pour faire pencher la balance en leur faveur). Et le radicalisme de ce dernier (discours politiques, impérialisme, antisémitisme et nombreuses violations à la fois du droit de la guerre et humanitaire) s’est privé d’entrée de jeu, de toutes négociations avec les Alliés, qui sont soudés face à un ennemi commun.
Malgré leurs divergences (qui sont nombreuses), ils sont déterminés à abattre coute que coute l’Axe qui constitue une menace sérieuse non seulement pour leurs intérêts mais aussi pour la viabilité de leurs pays respectifs.
Déjà, en observant simplement le rapport des forces, on s’aperçoit que l’Axe est dès le début de la Guerre gravement désavantagé par rapport à son adversaire.
En terme démographique, il doit se battre à 1 contre 8,5 (il est déjà difficile de vaincre un adversaire à jeu égal alors quand on affronte un adversaire aussi puissant, on arrive en effet à un stade ou la victoire n’est plus dans l’ordre du possible, quelle que soit sa valeur individuelle. Parce ce qu’à un moment donné la quantité finit par l’emporter sur la qualité).
Et qualitativement, il doit faire face à des Etats ayant déjà fait leurs preuves sur le plan militaire lors du dernier conflit mondial (Grande-Bretagne et Etats-Unis) et disposant d’un espace stratégique (territoire) beaucoup plus important que le sien.
D’autres Etats feront aussi leurs preuves à l’ occasion de cette guerre (URSS).
Devant cette situation, on peut en tirer la conclusion logique qu’il était extrêmement difficile – pour ne pas dire impossible – à l’Axe de l’emporter face à une alliance aussi importante.
2/ La Capacité à mener une guerre longue (répartition des Matières Premières).
L’autre grand désavantage de l’Axe réside dans le facteur temps. Ce dernier est dans l’impossibilité de mener indéfiniment une guerre – contrairement aux Alliés.
En effet, il ne possède pas en nombre suffisant des Matières Premières (Pétrole, Acier, Caoutchouc et Nourriture) qui lui sont indispensables pour mener une guerre avec succès. Pour pouvoir mener un conflit sur le long terme, encore faut-il avoir les moyens en amont de le faire. Or l’Axe n’a pas suffisamment tenu compte de ce facteur. D’ailleurs la principale raison ayant amené Hitler à attaquer l’URSS – et le Japon à attaquer les Etats-Unis- était de s’approprier par la force ces précieuses ressources.
Pour atteindre ces objectifs, il faut dans un premier temps s’attaquer aux Alliés (qui compte tenu du rapport de force équivaut à une lutte de type David contre Goliath), atteindre un lieu géographiquement très éloigné (l’Armée allemande doit parcourir un territoire allant de la frontière polonaise au Caucase et la Marine Japonaise, du Japon à l’Asie du Sud-Est, soit des milliers de kilomètres à parcourir en territoire hostile).
Et enfin avoir les capacités de transports pour acheminer les matières premières jusqu’au pays concerné.
Mais de façon stupéfiante, l’Axe qui s’est donné tant de mal à préparer ces invasions, n’a jamais mis en regard les moyens nécessaires pour transporter ces matières premières afin de les utiliser à son avantage (puisque la totalité des moyens de transports à la fois civils et militaires sont mobilisés pour l’effort de guerre ; de surcroît il y a déjà un manque de moyens).
Ce qui signifie que même si l’Axe avait atteint ses objectifs, il aurait été incapable d’en exploiter les bénéfices (à supposer que ces ressources tombent intactes entre leurs mains…).
Mais il n’aura pas le loisir de constater son erreur, puisque les projets de conquête ont échoué… (La Wehrmacht et la Marine Japonaise n’ont jamais atteints leurs objectifs). Selon le Magazine « Guerre et Histoire » (dirigé par l’historien Jean Lopez), tout au long de la guerre l’Axe n’a jamais disposé que de 6% du pétrole mondial. En comparaison les Alliés en possédaient près de 80%.
Autrement dit, l’Axe s’est lancé dans un conflit mondial sans avoir les moyens de l’emporter et même s’il était parvenu à « s’approprier » des matières premières dans le camp ennemi, il aurait été incapable de les utiliser à son profit faute de moyens de transports. Non seulement, les pays de l’Axe ont démarré la guerre avec un rapport de force qui leur était largement défavorable mais en plus ils n’avaient pas les mêmes moyens que leurs ennemis.
Dans ces conditions, il apparait clair que sur le long terme l’Axe est condamné : il ne pourra indéfiniment tenir en échec une coalition mondiale dans cette lutte trop inégale.
3/ L’absence de Stratégie commune aux pays de l’Axe
A aucun moment les principaux pays de l’Axe (Allemagne Nazie, Italie fasciste et Japon Impérial), n’ont élaboré un plan commun afin de remporter la guerre.
Chacun de ces différents pays avait son propre objectif et sa propre idéologie.
Ces divisions ont conduit à une dislocation de la coalition étatique : l’écartèlement des forces pour des objectifs locaux et divers au lieu d’avoir un but commun et suprême (L’Allemagne Nazie voulait s’approprier l’Europe de l’Est, l’Italie Fasciste voulait conquérir le Bassin Méditerranéen et le Japon voulait avoir l’Asie dans sa sphère d’influence). Chacun a combattu dans sa « région » et sans cohérence par rapport aux autres.
Alors que dans le camp d’en face, les Alliés – malgré de nombreuses divergences et de nombreux conflits- sont parvenus à trouver une stratégie à la fois commune et cohérente pour défaire l’Axe sur un plan mondial.
De surcroit, la coalition de l’Axe a vacillé sur ses bases : certains Etats ont soit abandonné la lutte au profit d’une paix séparée avec les Alliés (la Finlande et l’Italie) soit ont adopté une attitude attentiste (la Roumanie et la Bulgarie). Alors que tous les pays dans le camp Alliés sont déterminés à remporter la lutte ensemble. D’autres Etats ont rejoint la coalition contre l’Axe au fil de la guerre (Etats-Unis et Canada en 1941, Italie en 1943, etc.).
Quant aux neutres, ils ont progressivement coupé les ponts avec l’Axe et ont adopté une attitude bienveillante à l’égard des Alliés.
En conséquence, l’Axe s’est progressivement affaibli alors que les Alliés se sont progressivement renforcés. Dans ces conditions, on peut se demander comment il est possible de gagner un conflit mondial avec des alliés poursuivant chacun leurs propres objectifs face à une coalition planétaire disposant de moyens beaucoup plus importants et ayant un même objectif.
4/ Le Caractère Industriel de cette guerre
Un autre facteur ayant joué contre l’Axe est sa capacité de production industrielle.
La puissance d’un Etat dans une guerre ne se mesure pas que sur sa valeur militaire. Il se joue aussi sur le facteur économique et plus particulièrement sur le plan industriel, c’est-à-dire sur la capacité de procéder à des percées et à des innovations qui permettront d’améliorer la qualité de l’armement militaire et le nombre de personnes qualifiées dans les usines pour les produire en masse.
Or à ce jeu, l’Axe est clairement désavantagé.
L’Allemagne nazie a en effet dilapidé de précieuses ressources dans la recherche et le développement pour des projets dont la plupart n’aboutiront pas faute de temps et de moyens. Et pour les projets ayant abouti, ils étaient d’une création trop récente pour être efficace à court terme (on peut penser aux Messerschmitt 262, aux V1 et V2 ou encore au fusil d’assaut Stg 44 qui étaient en avance sur leurs temps).
Dépenser pour améliorer son équipement est une chose mais le faire au détriment de la production déjà existante en est une autre. Exemple : le char «Tigre » (allemand) fut certainement l’un des meilleurs chars de la seconde guerre mondiale en raison de sa puissance de feu mais c’était un géant au pied d’argile. Il faut 300 000 heures de travail pour le produire (en comparaison il faut 10 000 heures de travail pour fabriquer un « Sherman » ou un « T-34 »), ses couts d’entretien sont exorbitants, il est trop lent et pas assez rapide – comparé à ses adversaires.
Malgré la supériorité de certains de ces matériels , il aurait mieux valu pour l’Allemagne de dépenser ses ressources à produire en masse des armes ayant déjà fait leurs preuves (ex :Panzer) plutôt que de rechercher de façon obsessionnelle une « arme miracle » qui ferait pencher la balance en leur faveur
Ce qui leur a fait perdre du temps et des ressources, alors que c’était justement ce qui leur manquait.
A contrario, les Alliés ont majoritairement dépensé pour produire du matériel déjà existant plutôt que de se perdre dans des projets dont l’issue est incertaine et ils avaient nettement plus d’ouvriers qualifiés dans leurs usines. Tout au long de la guerre, les Alliés ont pu construire beaucoup plus de chars, d’avions, de bateaux, de véhicules et d’armes que l’Axe. Ce qui leur a donné un avantage certain.
Et pendant le conflit, il y a eu un bombardement systématique (notamment sur la période 1943-1945) des usines allemandes pour limiter leurs niveaux de production (bien que l’industrie allemande ait pu produire plus d’armes en 1945 qu’en 1939, elle n’a pas été en mesure d’atteindre ses objectifs de pourvoir tous les besoins matériels de l’armée allemande et de ses alliés).
5/ L’arme nucléaire des Alliés
Depuis les années 30, les Etats-Unis ont constamment cherché à acquérir la bombe atomique (Projet «Manhattan» dans l’Etat du Nouveau-Mexique).
Et début 1945, les premières bombes nucléaires sont opérationnelles et peuvent être envoyées en territoire ennemi par des bombardiers lourds (B-29). A l’instant même où les Alliés ont disposé du feu nucléaire, on peut considérer qu’ils avaient déjà gagné la guerre dans la mesure où ils possédaient une capacité destructrice hors-norme dépassant tout ce dont l’Axe est capable.
Si pour une raison ou pour une autre, la guerre avait perduré encore quelques années – jusqu’en 1947-1948 –les Alliés auraient déversé des armes nucléaires qui auraient détruit la structure même de l’Etat et démoralisé la population civile. On a vu les résultats obtenus quand le Président Truman a décidé d’utiliser le bombardement nucléaire contre le Japon à Hiroshima et Nagasaki (faisant au moins 100 000 morts du fait de la seule explosion).
Le Japon qui jusque-là, avait voulu se battre jusqu’au bout a donc décidé de capituler. Le même scénario aurait pu se produire en Allemagne en 1945, si cette dernière n’avait pas été au bord de l’effondrement…
Le fait que les Alliés puissent détruire – sans coup férir-les points vitaux de l’Axe en 1945, amène à penser que ce dernier aurait eu alors tout intérêt à capituler plutôt que d’être détruit.
Quand bien même, l’Allemagne et le Japon auraient atteint leurs objectifs, cette épée de Damoclès aurait pesé lourd au-dessus de leur tête et les aurait contraint d’une manière ou d’une autre à abandonner la lutte contre les Alliés. Dans cette situation, la chute de l’Axe était inévitable.
6/ La Tactique au détriment de la Stratégie (Axe)
L’une des dernières raisons ayant contribué à la défaite des forces de l’Axe est la recherche obsessionnelle du résultat tactique (local) au détriment du bilan stratégique (résultat global).
L’armée allemande illustre le mieux cette absence de vision stratégique : pour cette dernière ce qui importe le plus est la recherche d’une « bataille décisive » dont l’issue à elle seule pourrait faire changer le cours de la guerre (conception clausewitzienne).
C’est-à-dire la recherche systématique de la destruction de l’ennemi. Or c’est une idée complétement obsolète de la guerre au XXème siècle. Ce que n’a pas compris l’Axe (et plus particulièrement les Allemands), c’est que l’on peut remporter 10 voire 20 grandes batailles sans pour autant gagner la guerre.
Depuis le début du 20éme siècle, il y a eu une cristallisation très profonde entre l’Armée, le Gouvernement, l’Industrie et la Population Civile qui ont créé un « Système ».
Et ce système Armée-Nation-Industrie, ne peut pas être détruit en une unique bataille -pas plus qu’en 10 – parce qu’il possède une résilience énorme. Une guerre ayant un caractère mondial, est nécessairement longue, mobilise la totalité des forces d’un Etat et ne se gagne que par accumulation de succès (de nature différentes).
Bien que la Wehrmacht ait remporté d’immenses succès tactiques lors de l’invasion des pays d’Europe de l’ouest (Benelux, France ou Scandinavie) et à l’Est (Opération « Barbarossa »), elle n’en a pas moins perdu la guerre…
Dans tous les affrontements, il est infiniment préférable d’avoir une supériorité stratégique (dont disposaient les «Alliés ») plutôt qu’une supériorité tactique (dont disposait « l’Axe ») parce que cette dernière –malgré de réels avantages- ne peut que freiner la défaite, alors que la première accélère la Victoire.
7/La défaite inéluctable de l’Axe
Quand on résume ces différents facteurs – rapport de force, répartition des matières premières, une industrie surclassée, l’arme nucléaire des Alliés et une absence de vision stratégique- il est clair que in fine l’Axe n’avait aucune chance de l’emporter.
Malgré sa supériorité tactique, l’Axe ne pouvait gagner stratégiquement (l’accumulation de succès locaux aussi importants et brillants soient-ils ne changent pas grand-chose à la situation stratégique). Beaucoup d’observateurs à l’époque ne s’en sont pas rendu compte, probablement à cause de la durée de cette guerre (6 ans) et du nombre de morts qu’elle a généré (environ 60 millions).
La mémoire des peuples ayant vécu cette expérience, la nature même du Nazisme et plus particulièrement l’industrie du Cinéma ont sans cesse dramatisé l’enjeu de la situation, depuis cette époque jusqu’à aujourd’hui.
On constate après avoir effectué des recherches approfondies, après avoir dépassionné le débat et dépassé la seule notion étatique, que l’issue de cette guerre était en fait joué d’avance en faveur des Alliés.
Mais comme souvent dans l’Histoire, ce n’est qu’après-coup que l’on se rend compte du cheminement inéluctable.
La question qu’il faudrait peut-être se poser est de savoir non pas pourquoi l’Axe a perdu mais comment a-t-il pu résister aussi longtemps à une coalition aussi importante face à lui ?