WordPress

Un site utilisant WordPress

Un Etat problématique : le PAKISTAN – Une instabilité étatique chronique menaçant la stabilité mondiale

| 0 comments

 

Résultat de recherche d'images pour "Pakistan carte"

PAKISTAN : Une instabilité étatique chronique menaçant la stabilité mondiale

Introduction :

Il existe de nombreux Etats dans le monde qui peuvent être considérées – à tort ou à raison – comme des « Etats Problématiques ».

Mais que faut-il entendre par cette formule ?

L’expression « Etat Problématique » contient des termes qui peuvent sembler – au premier abord – antinomiques. Il y a d’abord le terme « Etat » qui fait l’objet d’une définition juridique précise à savoir « l’existence d’un territoire, d’une population et d’un gouvernement effectif » et renvoie donc à une notion de stabilité.

Le fait d’adjoindre l’adjectif « problématique » au terme d’Etat tend à indiquer que les certains Etats concentrent des difficultés telles qu’ils doivent relever de cette qualification d’ « Etats problématiques ».C’est ainsi que par nature, la majorité des Etats pourraient rentrer dans ce qualificatif. En effet, il n’existe pas de définition objective ou précise de cette notion.

Pour autant, la notion « d’Etat problématique » ne peut se limiter qu’à des problèmes d’ordre interne. Il faut y adjoindre des problématiques d’ordre régional et/ou international.

C’est ainsi que l’on peut considérer qu’un Etat devient problématique à partir du moment où la nature de son gouvernement et/ou son instabilité interne sont de nature à créer des problèmes suffisamment importants pour nuire à la stabilité régionale voire menacer l’équilibre mondial.

L’absence de critère objectif permet aussi de faire évoluer cette notion dans le temps, les menaces ou les critères relevant de la formule « Etats problématiques » évoluant sans cesse.Il faut relever par ailleurs que certains Etats peuvent être qualifiés comme étant plus  problématiques que d’autres : il existe différentes échelles pour les mesurer. Certains Etats ne posent problème qu’en interne (ex : Soudan). D’autres en posent dans un cadre plus large (ex : Syrie). Enfin les derniers causent problème dans un cadre mondialisé (ex : Iran).

On peut aussi noter que certains Etats ont pu être considérés comme étant problématiques durant une certaine période. C’est ainsi que suite à des changements et des réformes engagés, ils ont rejoint la communauté internationale (ex : Afrique du Sud après l’Apartheid).

Mais d’autres encore sont réputés pour être des « Etats problématiques » depuis leur création. (Ex : Corée du Nord). En effet, ces Etats n’ont pas pu s’adapter ou surmonter le traumatisme de leur naissance.

Désigner ce type d’Etat reste un exercice compliqué parce qu’il repose aussi sur des critères subjectifs et les pays désignés ne font pas nécessairement consensus.

Certains considèrent en effet que des pays démocratiques peuvent faire partie de cette catégorie (les Etats-Unis du fait de leurs différentes guerres sont considérés par certaines personnes comme étant problématique). D’autres clament au contraire que les Etats désignés comme « Etat problématique » par les médias ne le sont pas ou ne le sont plus (ex : Tunisie depuis la fin de la Révolution).

Alors quel «État problématique » pouvons-nous choisir ?

De notre point de vue, il existe un Etat qui – depuis sa création – peut-être considéré comme faisant partie de cette catégorie car il est le « creuset de fractures globales » pouvant nuire à la stabilité régionale voire mondiale.

Cet Etat, c’est le Pakistan (« Le pays des pures » en Ourdou).

Le Pakistan est un Etat qui, depuis sa création, cumule toutes une série de problèmes structuraux à la fois endogènes et exogènes qui sont de nature à entrainer l’effondrement de celui ci et mettre potentiellement le feu au sous-continent indien.

En effet, les élites pakistanaises n’ont pas su – ou voulu – résoudre certaines des lignes de fracture de ce pays.Dés le début, le Pakistan fut une nation tronquée, une création de circonstances liée à la décolonisation britannique.

L’indépendance de cet Etat s’est effectuée de la pire des façons qui soit : déplacement forcée de populations, frontières mal définies, absence de transition démocratique, etc. Autant d’éléments disparates qui n’aidèrent pas le jeune état pakistanais à forger une nouvelle Nation et un sentiment d’adhésion.

Ces problèmes qui à l’origine n’étaient que conjoncturels sont progressivement devenus structurels. C’est ainsi que cet Etat est devenu de plus en plus difficile à réformer ou à transformer.La structure même du Pakistan – telle que nous la connaissons aujourd’hui – créée une profonde instabilité étatique qui peut potentiellement conduire à son effondrement. Elle maintient aussi le pays dans un état de pauvreté quasi général qui l’empêche de devenir un Etat émergent comme d’autres pays.

Les conséquences de cette instabilité sont multiples.

En interne, la population pakistanaise – l’une des plus nombreuses au monde – est livrée à elle-même en raison de la déficience généralisée de l’Etat. Cette carence d’État génère des franges de population se détournant des institutions nationales et qui recréées leurs propres règles. En certaines occasions, ces mêmes populations se tournent vers l’obscurantisme religieux qui est aussi un facteur d’instabilité.

L’instabilité interne du Pakistan a aussi des conséquences pour la région toute entière.

Au Nord, l’Afghanistan est maintenu en état de guerre presque permanent du fait des incursions des tribus pachtounes en provenance du Pakistan. Au Sud, L’Inde est en situation de conflit larvé avec le Pakistan au sujet du Cachemire (alternant les guerres ouvertes et les guerres froides). Enfin, le Pakistan possède l’arme nucléaire. L’instabilité du pays pourrait avoir comme conséquence de faire tomber ses armes en de mauvaises mains.

L’objet de cet article sera de démontrer comment les problèmes internes du Pakistan (dus aux circonstances de sa naissance) créent des troubles pour le sous-continent indien et comment ces troubles peuvent affecter la stabilité mondiale.

Pour ces différentes raisons, le Pakistan peut être considéré comme un « Etat Problématique » en raison de nombreuses fractures globales qui seront développées ci-après.

Quelles sont les causes (I) et les conséquences (II) de cette instabilité ?

C’est ce que nous verrons ci-après.

 

Première partie : Un jeune Etat menacé d’effondrement.

 

A) La naissance chaotique du Pakistan

 

  1. La genèse de cette Nation

 

Avant sa création en 1947, le Pakistan était une province de l’Inde.

Au début du XVIème siècle, les « Moghols » des envahisseurs venus de Perse et de confession musulmane ont attaqué puis envahit l’Inde.Puis ils fondèrent un empire qui dura plus de trois siècles (de 1526 à 1857). Suite à cette intervention, les Indiens ont vu leurs pays devenir multiconfessionnels.

Sous l’empire Moghol, le pays était dirigé par une minorité musulmane qui n’a jamais représentée plus de 15 % de la population. Tandis que la majorité hindoue (85 %) était tenue d’obéir. Malgré les efforts de certains empereurs moghols (en particulier Akbar qui régna de 1556 à 1605), il n’y eu jamais de réels ententes entre hindous et musulmans, chaque communauté vivait en vase clos et séparée l’une de l’autre.

C’est ainsi que débute l’animosité entre ces deux groupes religieux.

Dans le courant du XVIIIème siècle arrivent les Britanniques qui obtiennent la domination commerciale puis territoriale de l’Inde après avoir envoyé en exil le dernier empereur moghol en 1858. Un succès de l’Empire britannique basé sur la supériorité militaire mais aussi sur une politique efficace du «diviser pour mieux régner ». Les Britanniques ont intelligemment utilisé les tensions locales et confessionnelles à leurs profits : ce fut une des raisons pour lesquelles leur implantation fut si longue (près d’un siècle).

Leurs politiques étaient de confier des postes à responsabilité tantôt à des hindous tantôt à des musulmans afin de maintenir la rivalité et l’animosité entre ces groupes. Ainsi les autorités britanniques avaient la possibilité de se poser comme arbitre afin de réguler les tensions et de trancher entre les différentes doléances.

A la suite de la première guerre mondiale (1914-1918), les premières demandes d’indépendance apparurent en Inde comme une rétribution pour l’effort de guerre britannique. Son principal porte-parole fut Gandhi, avec sa politique de non-violence, agissant aussi bien au nom des hindous que des musulmans.

Mais certains musulmans ne voyaient pas la situation du même point de vue.  En 1906 fut créée la « Ligue Musulmane » des Indes afin de défendre les intérêts des musulmans du pays.

Le 29 Décembre 1930, Sir Mohammed Iqbal – philosophe et homme politique – réclama dans son discours devant la ligue « l’autonomie d’un Etat au nord-est de l’Inde pour les musulmans indiens ». Ce discours fut la première pierre à l’édifice pakistanais.

Mais ce qui va réellement faire avancer la situation, c’est la « Résolution de Lahore » du 23 Mars 1940. Mohammed Ali Jinnah, le nouveau président de la Ligue Musulmane demanda la partition de l’Inde entre deux états indépendants avec d’un coté les hindous et de l’autre les musulmans. Ce nouvel Etat pour les musulmans devra s’appeler le « Pakistan ».Notons que n’a jamais était utilisée l’expression « Etat Islamique » qui aurait signifié tout autre chose.

Il était prévu en effet que cet Etat ne serait pas une théocratie mais une démocratie.Cette demande est le résultat d’une tentative de gouvernement local entre les deux communautés religieuses.C’est durant cette période et l’échec de cette tentative que Jinnah s’est persuadé que les intérêts des musulmans ne seraient pas garantis dans une Inde qui deviendrait indépendante. D’ou l’intérêt de procéder à une partition afin que chaque groupe devienne indépendant par rapport à l’autre.

Les dirigeants de la ligue musulmane craignaient que leurs coreligionnaires ne soient « écrasés » par le poids démographique des hindous beaucoup plus nombreux.

A la suite de la deuxième guerre mondiale (1939-1945), le Royaume-Uni bien que victorieux fait figure de parent pauvre et doit faire face à des demandes indépendantistes dans tout son empire. En Inde, se rendant compte que la situation n’était plus tenable (il y avait 100 000 colons britanniques pour 350 millions d’indiens), la Grande-Bretagne accorda à l’Inde son indépendance en 1947.

C’est dans ce contexte qu’éclata la partition entre l’Inde et le Pakistan.

Résultat de recherche d'images pour "partition inde pakistan"

Partition territoriale entre l’Inde et le Pakistan

  1. La Partition Indo-pakistanaise.

 

En Mars 1947, Londres envoie Lord Mountbatten en tant que Vice-Roi des Indes afin de trouver un accord entre les leaders hindous et musulmans.

Malgré les efforts de Ghandi pour empêcher la partition, la décision de séparer les deux communautés religieuses en deux Etats fut prise. C’est un épisode très controversé de l’histoire mais compte tenu des tensions et des massacres opposant les deux communautés durant ces pourparlers, on peut considérer qu’il n’existait que deux solutions imparfaites : soit une Inde et un Pakistan indépendants soit une guerre civile à caractère ethnico religieux.

Les autorités en charge du dossier ont décidé de faire la partition en séparant les provinces à majorité musulmane (qui formeront le Pakistan), des provinces à majorité Hindou (qui resteront en Inde). Un avocat anglais, Sir Cyril Radcliffe, a alors été chargé de déterminer les frontières de ces futurs Etats durant les négociations pour l’indépendance.

Or cet avocat n’est jamais allé sur le sous-continent indien et n’a eu en tout et pour tout que 5 semaines pour tracer desdites frontières. Cette méconnaissance de la situation locale et le peu de temps accordé ont conduit à un très mauvais traçage des frontières.

Le Pakistan fut en effet constitué de deux provinces situées à l’opposé l’une de l’autre (1700 Km de distance). A l’ouest, c’est le Pakistan Occidental (qui correspond à l’actuel Pakistan) et à l’est c’est le Pakistan Oriental (le Bangladesh d’aujourd’hui). Chacune de ces régions ont une identité politique, géographique et ethnique différentes. Les frontières ont été tracées avec une règle et non sur la base d’une planification rigoureuse.

De surcroît des affrontements et des massacres opposants les deux communautés ont eu lieu. Ce qui a conduit à l’exode de millions de personnes dans le pays : des hindous quittant le futur Etat pakistanais pour rejoindre l’Inde et des musulmans fuyant l’Inde pour le Pakistan.

Les régions les plus touchées furent le « Bengale » et le « Pendjab » (qui ont dû être coupées en deux afin de les répartir entre l’Inde et le Pakistan). Selon les études les plus récentes et les plus fiables, on estime qu’il y a eu 12 à 15 millions de personnes qui ont été forcées de partir en exil (ce qui constitue l’exode de population la plus importante du XXème siècle) et il y a eu aussi entre 500 000 et un million de morts du fait des massacres.

Le Pakistan devint officiellement indépendant le 14 Aout 1947. Mohammed Ali Jinnah en devint le premier président.

Résultat de recherche d'images pour "mohamed ali jinnah"

Mohamed Ali Jinnah, le créateur du Pakistan 

 

  1. Les conséquences pour le Pakistan

 

Quand le Pakistan accéda à l’indépendance, il a du faire face à un nombre important de problèmes aussi bien en interne qu’en externe.

Quels étaient ces problèmes en 1947 ?

  • Une absence de sentiment national,

Malgré la volonté des dirigeants de la ligue musulmane et de Jinnah, l’Islam qui devait faire l’unité nationale, n’est en réalité que le plus petit des dénominateurs communs aux habitants du Pakistan.

En effet, les dirigeants pakistanais n’ont pas réussi à faire comprendre à leurs populations que la religion musulmane n’était pas seulement une identité religieuse mais aussi une identité à la fois politique et nationale.

  • Des frontières mal définies,

Au sud, les frontières du pays ont été tracées dans la précipitation sans avoir tenu compte des spécificités locales. Le Pakistan est aussi coupé en deux, entre l’est et l’ouest.

Ce qui constitue une absence de continuité territoriale et par voie de conséquence crée un certain nombre de difficultés inhérentes à cette situation (quand un pays est coupé en deux avec des populations différentes les unes des autres cela pose des problèmes de gouvernance).

Et au nord, la frontière avec l’Afghanistan fut tracée en 1893 (« Ligne Durand ») mais elle ne fut jamais acceptée par les tribus pachtounes, ce qui posera de nombreux problèmes par la suite.

 

  • L’afflux des réfugiés,

En 1947, le Pakistan comptait environ 37 millions d’habitants.

Parmi sa population, 6 à 8 millions de personnes sont des réfugiés qui ont du fuir l’Inde (les chiffres différent selon les sources mais ils apparaissent comme les plus fiables). Cela signifie que prés de 20% de la population pakistanaise occupe un pays qu’elle n’a jamais connu auparavant, ce qui n’est pas sans poser de problème en terme d’intégration et de vivre ensemble.

De surcroit, peu de choses étaient prévues pour accueillir ces personnes ce qui ne contribua pas à l’unité du pays.

 

  • Une absence de transition démocratique,

 

Bien que Jinnah fût un démocrate, il n’autorisa pas la tenue d’élections. Il estimait que le moment n’était pas opportun. Les élites pakistanaises n’avaient aussi aucun intérêt à procéder à des élections.Elles n’auraient pas été élues puisque leur seule légitimité était d’avoir été « installées » du temps de la colonisation britannique.

Or, certains historiens et politologues considèrent que cela fut une grave erreur. En effet, il faudra attendre prés de 10 ans avant de procéder à des élections avec de nombreux soupçons de fraudes et de pressions. L’opportunité de fonder immédiatement une démocratie représentative fit long feu. Le champ libre était ouvert à des régimes autoritaires.

 

  • L’animosité avec l’Inde,

 

Les drames de la partition et ses conséquences ont conduit les élites pakistanaises et une partie du peuple à considérer que l’Inde était « l’ennemi héréditaire » du Pakistan.

Cet état d’esprit fut renforcé par le problème du « Cachemire ».C’est une région située au nord-ouest de l’Inde dirigée par un prince hindou mais à majorité musulmane. On avait laissé le choix à cette province de choisir entre l’Inde et le Pakistan ou de devenir indépendant.

Devant l’indécision de cette province, les deux Etats firent valoir leurs droits en envoyant leurs armées respectives pour l’envahir. C’est ainsi que débuta la première d’une longue série de guerres opposant les pakistanais et les indiens.

Tous ces problèmes à l’origine n’étaient que « conjoncturels ». Mais progressivement, les élites pakistanaises par manque de volonté politique ou par opportunisme n’ont pas pu – ou voulu – résoudre ces problèmes. Tant et si bien que ces difficultés sont devenues « structurelles » et perdurent encore à ce jour.

Aujourd’hui, en 2018, soit 71 ans après sa création, le Pakistan n’en n’a toujours pas fini avec les lignes de fractures de son indépendance.

Résultat de recherche d'images pour "pakistan carte"

Division du Cachemire entre le Pakistan (au Nord) et l’Inde (au Sud)

 

B) Un Etat déficient : source de problème interne.

 

  1. Une population civile livrée en partie à elle-même

Le peuple pakistanais doit faire face à de très nombreuses difficultés pour vivre au quotidien.

La carence de l’Etat est telle qu’il ne parvient pas à assurer le minimum vital pour la majorité de sa population (Education, Santé, Sécurité et Etat de droit). Ce qui a pour conséquence que cette dernière se tourne vers des tierces personnes qui ne sont pas toujours animées de bonnes intentions. De surcroit, cela crée une forme de chaos dans le pays.

A quels problèmes, la population est-elle confrontée ?

 

  • Un Etat de droit presque inexistant,

Depuis sa création, le Pakistan alterne les dictatures militaires et les gouvernements démocratiquement élus. Il y eut trois coups d’états militaires et les civils parvenus au pouvoir n’ont pas réussi à résoudre la situation.

Il a fallu attendre 2013, pour que la première fois un gouvernement démocratiquement élu parvienne à finir son mandat (5 ans) et soit remplacé par un autre gouvernement mis en place par les urnes et ce sans intervention de l’armée. Ce type de situation génère un climat instable dans tout le pays, faute de pouvoir envisager l’avenir.

De surcroit, chacun des gouvernements qui se sont succédés avaient leurs propres objectifs, ce qui n’était pas sans poser de problèmes en terme de cohérence. Cette absence de continuité dans la durée nuit au « système » dans son ensemble, c’est-à-dire une instabilité endémique qui freine la mise en place d’un Etat de droit.

Dans les classements internationaux (« Fragile States Index 2017 »), le Pakistan se classe en 17ème position en terme d’instabilité politique (en comparaison la France se classe 159ème sur 178). Ce seul chiffre suffit à décrire la situation politique du Pakistan.

 

  • Un état de pauvreté général,

 

L’absence d’Etat contribue à maintenir la population dans un état de pauvreté. En effet, l’absence d’écoles, de redistribution des richesses, d’hôpitaux, de capitaux étrangers et une corruption massive nuisent au développement de l’économie du pays.

Selon un rapport récent de l’ONU, plus de 50% des pakistanais sont analphabètes et 74% d’entre eux vivent avec moins de deux dollars par jour.

Le Pakistan se situe à la 147ème place sur 188 en terme de développement humain (« Human Development Index 2017»).

Tous ces éléments contribuent d’une manière ou d’une autre au maintien de la pauvreté et au faible niveau de vie du pays.

La corruption gangrène aussi le pays – aussi bien les hommes que les institutions – ce qui freine le développement humain et paralyse l’activité étatique (le Pakistan est classé 117ème sur 180 en terme de transparence selon “Corruption Perceptions Index 2017”).

Enfin la surpopulation du pays ne peut qu’aggraver la situation. De 1947 à 2013, la population pakistanaise est passée de 37 à 185 millions d’habitants, soit un rapport de 1 à 5. Selon les courbes démographiques, le Pakistan pourrait atteindre les 300 millions d’habitants à l’horizon 2050. Si la croissance démographique dépasse la croissance économique du pays, c’est l’aggravation de la pauvreté assurée.

Le pays possède toutefois certains des critères requis pour devenir une économie émergente mais il en est empêché à cause de ses fractures internes.

 

  • Une violence endémique,

Le pays est dans un état de violence quasi permanent depuis des décennies.

En terme de criminalité et de délinquance, le Pakistan est considéré comme un des pays les plus dangereux au monde. En 2012, on a enregistré 12 600 meurtres (soit 35 assassinats par jour).

Les attentats terroristes sont également courants. Selon le « Global Terrorism Index 2016 », le Pakistan est le cinquième pays le plus touché au monde par le terrorisme (qu’il soit de nature fondamentaliste, politique ou ethnique). En 2016, il y a eu 736 attentats et 2685 victimes (956 morts et 1729 blessés) du fait de ces attaques. Soit 2 attentats et 7 victimes par jour.

La violence est aussi un facteur d’instabilité et de chaos pour une nation.Cette situation ne peut que maintenir l’état de déliquescence dans lequel se trouve le pays.

 

  • L’intégrisme religieux et les persécutions des minorités,

 

Au Pakistan, l’Islam est considéré comme « religion d’Etat ». Aujourd’hui, prés de 97% des pakistanais sont de confession musulmane (après l’Indonésie, c’est le plus important pays musulman au monde). Mais depuis les années 1970, on assiste à une recrudescence d’un islam fondamentaliste.

Cette situation pousse à l’intolérance contre les minorités religieuses du pays. Il y a 3% de pakistanais non musulmans (1,5% de chrétiens, 1% d’hindous et 0,5% d’autres religions). Ces différents groupes font l’objet de discriminations dans le pays et les attentats contre eux ne sont pas rares (ex : Attentat suicide de Peshawar le 22 Septembre 2013, contre une église chrétienne causant la mort de 80 personnes et 130 blessés).

Et au sein même des musulmans, il existe une minorité Chiite (15 à 20% de la population) qui est persécuté par la majorité Sunnite (80 à 85% de la population).Cette situation ne peut qu’exacerber les tensions sociales rendant difficile – voire impossible – le sentiment d’appartenance à une nation.

 

ooo

 

Les différents facteurs évoqués ci-dessus (liste non exhaustive) ne constituent pas un problème uniquement pour la population pakistanaise.

En effet, ces différentes lignes de fracture empêchent aussi l’Etat Pakistanais de se développer au même rythme que les pays limitrophes (Inde et Chine qui connaissent un développement et une croissance exponentielle malgré un ralentissement).

 

  1. Un Etat résilient malgré tout

 

Devant autant de difficultés, on peut se demander pourquoi l’Etat pakistanais ne s’est pas déjà effondré ?En fait plusieurs institutions ont assuré la « colonne vertébrale » du pays avec pour conséquence un minimum d’ordre et de cohérence dans le pays.

 

  • L’armée pakistanaise,

 

Quand le Pakistan accéda à son indépendance, la seule institution organisée était l’armée. C’est cette dernière qui a permis l’unité nationale.En effet, c’était la « force » la plus importante à laquelle personne n’osait s’opposer.

Répartie sur l’ensemble du territoire elle a pu, malgré de nombreuses difficultés, maintenir un semblant d’ordre dans les provinces et assurer du même coup une emprise étatique. C’est grâce à ce rapport de forces, que par la suite plusieurs généraux pakistanais (comme Ayub Khan dans les années 50 et Mussaraf en 1999) tentèrent des coups d’état et prirent le pouvoir aux civils. Ce qui accentua la main mise du gouvernement dans les provinces dites « difficiles » par des méthodes autoritaires (maintien d’un régime d’exception par exemple).

Aujourd’hui, l’armée pakistanaise est composée de centaines de milliers d’hommes qui sont équipés de matériels américains : c’est la colonne vertébrale du Pakistan. De par sa taille et son budget, c’est le secteur économique le plus important du pays. De surcroit, elle parvient à maintenir un minimum d’unité dans le pays. Néanmoins, il faut éviter toute conclusion angélique.

Cette armée outrepasse souvent ses prérogatives : elle a des liens avec le milieu des hommes d’affaires et des multinationales et a l’initiative de la vie politique du pays. Sans elle, le pays s’effondrerait mais dans la pratique, l’armée pakistanaise contribue à la stagnation économique et sociale du pays. Elle bloque aussi le processus démocratique (trois coups d’états depuis l’indépendance) et quand les civils sont au pouvoir, elle stoppe parfois leurs initiatives (exemple Benazir Bhutto a vu sa politique tenue en échec par les généraux agissant en sous-main).

De surcroit, elle est de plus en plus infiltrée par des groupuscules religieux de type fondamentaliste voulant imposer leurs propres lois. En définitive, cette armée permet le maintien de la nation pakistanaise mais elle « bride » toute évolution politique.

 

  • Les services secrets,

 

Les services secrets pakistanais (ISI) sont aussi une des clés de voute de la résilience pakistanaise. Ils sont au service des gouvernements et préservent leur maintien au pouvoir (ils peuvent aussi provoquer leurs chutes). Ils ne font pas uniquement du renseignement : ils exercent aussi une main mise sur la société pakistanaise.

En effet, de part leur surveillance accrue du territoire et de la population, ils sont en mesure de contrôler – ou a minima d’avoir une influence – sur des sphères de la population ou des institutions de l’Etat. Ainsi, ils contribuent d’une manière ou d’une autre à l’ordre public dans le pays. Mais comme l’armée pakistanaise, ils ont aussi des pratiques ambigües qui peuvent être nuisibles pour le pays.

En effet, certains entretiennent des liens pour le moins troubles avec des organisations terroristes (les talibans notamment). Tantôt ils sont leurs ennemis et tantôt ils sont leurs alliés – voire les deux à la fois – au fil des circonstances. C’est une manière pour eux de garder constamment l’initiative et d’être incontournable aux yeux de l’exécutif et des services secrets étrangers.

Mais cette politique constitue aussi une interférence pour la population civile : les services secrets ont un intérêt objectif à maintenir un minimum de désordre pour démontrer que l’on doit composer avec eux mais ils doivent aussi éviter le chaos étatique.

L’absence de maitrise de l’exécutif pakistanais sur les services de renseignements constitue une sorte de contre-pouvoir vis-à-vis des gouvernements successifs.

 

  • La population pakistanaise,

 

Enfin le peuple pakistanais bien que vivant dans des conditions précaires refuse majoritairement la chute de son Etat. Si l’Etat pakistanais s’effondre, ils craignent que leurs problèmes décupleront.

Devant cette situation, les pakistanais préfèrent le statu quo plutôt qu’une situation incontrôlable pouvant aggraver une situation déjà difficile.

 

Deuxième Partie : Les conséquences de ces lignes de fractures

 

A) Un risque d’embrasement pour le sous-continent indien : problème régional.

Les problèmes du Pakistan ne se limite pas à des problèmes endogènes.Son instabilité et ses prises de position peuvent avoir des conséquences négatives pour l’ensemble de la région.

  1. Tension permanente et conflit intermittent avec l’Inde

 

  • La question du Cachemire,

 

Depuis 1947, le Pakistan est en état de guerre quasi permanent avec l’Inde alternant les affrontements directs et les périodes de tensions. Ces deux pays se sont affrontés à quatre reprises depuis leurs indépendances respectives. Il y eut des conflits en 1947, en 1965, en 1971 et en 1999.

Trois de ces guerres avaient pour enjeu le « Cachemire » : cette province est située à cheval entre les deux pays. Chacun revendique la possession de ce territoire. Aujourd’hui le Pakistan en contrôle la moitié nord et l’Inde en contrôle la moitié sud. Aucun traité de paix n’a été signé et aucune délimitation de frontières n’a eu lieu. C’est un statu quo permanent dans lesquels les deux adversaires alternent les mouvements offensifs et défensifs afin de conserver ou d’étendre le territoire disputé.

A trois reprises, le Pakistan a tenté de conquérir le Cachemire à l’Inde et à trois reprises il a échoué.Et depuis 1989, les services secrets pakistanais entretiennent une guérilla permanente dans cette région afin de la rattacher au Pakistan. Ici encore, la tentative a échoué : l’armée indienne est parvenue à tenir en échec ce mouvement insurrectionnel mais les services de renseignements pakistanais poursuivent malgré tout leurs politiques (depuis plusieurs dizaines de milliers de personnes furent tués au cours de ce conflit larvé).

Le conflit au Cachemire reste sans issu pour l’instant.Pourquoi tant d’affrontements ?

Au-delà de la rationalité, il semble que l’enjeu pour les deux pays est avant tout d’ordre symbolique (il n’y a aucune ressource naturelle au Cachemire). Chacun estime que renoncer à cet objectif reviendrait à une « capitulation en pleine campagne » face à l’ennemi héréditaire et constituerait une trahison vis-à-vis des pères fondateurs de la nation. C’est à l’image de ce que fut l’antagonisme franco-allemand sur l’Alsace-Lorraine.

Mais le Cachemire n’est pas qu’une question politique ou militaire.C’est aussi une question de ressource hydraulique. En effet, le fleuve « Indus » traverse le Pakistan du nord au sud. Mais sa source se trouve dans l’Himalaya pour redescendre vers l’Océan Indien. Il passe aussi par le Cachemire : l’Inde y a installé des barrages en amont afin de capter davantage d’eau mais cela pénalise en aval les pakistanais qui voient diminuer leur débit d’eau.

Cette situation ne peut qu’envenimer une situation déjà difficile entre ces deux pays. Des accords binationaux ont été signés afin de réguler ces tensions et de mieux répartir l’eau mais ils sont régulièrement remis en cause par les protagonistes qui s’estiment lésés.

 

  • La perte du Pakistan oriental,

Un autre conflit eu lieu au Pakistan oriental (l’actuel Bangladesh) en 1971.

A la suite de tensions et de problèmes de gouvernance, cette région a proclamé son indépendance vis-à-vis du pouvoir central (ce dernier n’a jamais voulu organiser un Etat fédéral alors que la nature du Pakistan nécessitait ce type d’organisation étatique). Le Pakistan a envoyé des troupes pour stopper ce processus mais fut militairement vaincu par les populations locales qui organisèrent une lutte armée. Durant cette guerre civile, l’Inde en profita pour entrer en guerre contre le Pakistan et envahit ce qui deviendra le Bangladesh contribuant de manière décisive à l’Indépendance de ce futur Etat. Au moins 300 000 personnes furent tuées au cours de cette guerre (3 millions selon les estimations les plus fortes).

Cette défaite fut vécue comme une humiliation pour le Pakistan. Non seulement il a perdu la guerre mais il a perdu aussi une large partie de son territoire et de sa population (le Bangladesh représentait 15% du territoire pakistanais mais aussi 50% de sa population).

Moins de 25 ans après sa création, le Pakistan voit déjà son intégrité territoriale amputée.

Enfin, il a perdu un mythe national : ce n’est plus désormais « l’unique pays refuge des musulmans du Sous-Continent », puisque le Bangladesh est à majorité de confession musulmane.

Si l’on fait l’inventaire de l’ensemble des guerres qui ont eu lieu, on constate que le Pakistan les a toutes perdues (parce qu’il n’a jamais pu atteindre les objectifs qu’il s’était fixé) et qu’il a toujours été à l’origine de ces conflits (c’est lui, le premier, qui a lancé les hostilités contre l’Inde).

Résultat de recherche d'images

Libération du Bangladesh par l’Inde en 1971

 

  • Le spectre de l’arme nucléaire,

 

Depuis 1998, l’Inde et le Pakistan sont devenus des puissances nucléaires (les indiens ont effectués leur premier essai nucléaire le 11 Mai et les pakistanais le 28 Mai de la même année).

Il y a désormais, une « épée de Damoclès » au-dessus de la tête des populations des deux pays. Si un conflit éclate à nouveau, il y a un risque d’embrasement nucléaire (la guerre de 1999 au Cachemire constitue le seul conflit au monde ou deux puissances nucléaires s’affrontent de façon conventionnelle sans recourir à l’arme suprême). L’Inde disposerait d’environ 140 têtes nucléaires, le Pakistan de 120.

Vu la taille et la concentration des populations civiles dans cette partie du monde (un milliard et demi d’habitants soit 20% de la population mondiale), on peut craindre le pire.

 

  • Les conséquences de ce conflit,

 

Les tensions avec l’Inde légitiment la part prépondérante du budget militaire dans les dépenses publiques pakistanaises (c’est le premier poste de dépense de l’Etat) alors que le pays vit dans une grande misère. Il justifie des lois et des mesures d’exceptions permanentes dans le pays, ce qui freine le processus démocratique. Enfin, il donne aux militaires pakistanais un accès privilégié aux décisions politiques bloquant ainsi les civils dans leurs prises de décision.

De nombreuses personnes appartenant à « l’establishment » ont ainsi un intérêt objectif à maintenir ce statu quo parce que leurs pouvoirs et leurs privilèges dépendent de cette situation.

De plus l’Inde et le Pakistan se voient chacun comme « ennemi héréditaire », ce qui ne constitue certainement pas une bonne nouvelle pour leurs populations respectives, comme si elles étaient condamnées à s’affronter continuellement.

Or ces deux pays auraient intérêt à faire la paix afin de développer leurs relations commerciales et aussi faire baisser la part de leurs budgets militaires aux profits de leurs populations qui sont dans une situation matérielle précaire.

 

  1. Les liens ambigües avec l’Afghanistan et les Talibans

 

  • Les guerres d’Afghanistan : la participation indirecte du Pakistan

 

Depuis l’invasion de l’Afghanistan par les soviétiques en 1979, le Pakistan a toujours entretenu un jeu trouble dans cette guerre. Il voit l’Afghanistan comme une base arrière (afin d’avoir une possibilité de repli en cas d’invasion indienne) et par conséquent perçoit mal toute intervention étrangère dans ce pays qui pourrait contrecarrer ses plans stratégiques.

Dans cette optique, il a laissé s’installer – et parfois encourager – une guérilla en Afghanistan en laissant les tribus pachtounes de son territoire se rendre dans ce pays afin d’y mener une lutte armée contre les envahisseurs étrangers (que ce soient les soviétiques ou les troupes de l’Otan).

 

Au Pakistan, il existe de nombreuses tribus et ethnies différentes. Mais une d’entre elle doit retenir notre attention : celles des « Pachtounes ». C’est un peuple composé de 50 millions de personnes et réparti en différentes tribus situées à cheval entre l’Afghanistan et le Pakistan. Lors de la colonisation, les britanniques ont imposé unilatéralement une frontière (nommée « Ligne Durand » en 1893) qui sépare ces populations entre les deux pays.

Cette frontière n’a jamais été reconnue par les populations pachtounes et ces dernières considèrent tout naturel de venir en aide à leurs « compatriotes » situés de l’autre coté de la frontière en cas d’invasion. Les Pachtounes ont toujours réclamé leur autonomie – voire leur indépendance – vis-à-vis du pouvoir central. Enfin, un certain nombre de ces tribus ont une conception fondamentaliste de la religion. Ainsi ils entrent parfois en conflit armé avec les autorités afin d’imposer leurs propres lois.

Cette situation permet au pouvoir pakistanais d’appliquer la stratégie « une pierre, deux coups ». En effet, non seulement la guerre en Afghanistan permet « d’évacuer » ce problème en laissant – ou en incitant – les populations pachtounes à combattre l’ennemi étranger et en interne cela permet de réduire la violence politique (Attentats et attaques contre les institutions).

C’est un double jeu auquel se livre le Pakistan : permettre aux guérilléros de tenir tête aux armées étrangères mais les empêcher aussi de remporter la victoire contre ces mêmes ennemis afin que la situation puisse perdurer éternellement – ou du moins le plus longtemps possible. Cette attitude pakistanaise pose de gros problèmes : l’Afghanistan est maintenu dans un état de guerre permanent depuis 35 ans et le Pakistan contribue à cette situation.

La région ne peut retrouver un semblant de stabilité que si la guérilla en Afghanistan se voit priver de ses lignes de ravitaillement (lui apportant des armes et des hommes).

Faire la paix – ou au moins obtenir une stabilisation – dans cette région dépend, en partie, de la volonté pakistanaise.

 

  • Le retournement de situation afghan,

 

Pendant longtemps cette attitude « attentiste » a été favorable au Pakistan, parce qu’il obtenait une « paix » intérieure. Mais depuis le milieu des années 2000, on assiste à un retournement de situation.

Les groupes de guérilla au Pakistan (et notamment les Talibans en zones tribales) se sentent désormais assez puissants pour affronter les autorités et ils sont entrés en lutte armée. C’est l’une des raisons pour lesquelles le pays est durement touché par les attentats terroristes.

Depuis le gouvernement pakistanais lance des offensives militaires dans les zones réputées proches des insurgés et des groupes terroristes (faisant plusieurs dizaines de milliers de morts). Mais en même temps, il les « ménage » parce qu’il en a toujours besoin.

Affaiblir ces groupes sans les détruire complètement semble être son objectif (parce que si ces derniers disparaissent le Pakistan n’aurait alors plus aucune utilité et le gouvernement perdrait ses moyens de pression sur ses « alliés » occidentaux).

C’est la politique de « la carotte et du bâton » qui varie au gré des intérêts de chacun. On peut qualifier cette situation de « guerre civile de basse intensité » (à l’opposé de la guerre en Syrie qui est une guerre civile de haute intensité). Cette région ne peut retrouver un semblant de stabilité que s’il y a une volonté politique pakistanaise de le faire (ainsi que des moyens pour la mettre en œuvre).

 

 

Résultat de recherche d'images pour "pakistan carte"

Répartition géographique des groupes ethniques sur la frontière Pakistano-Afghane 

 

  1. Un pouvoir de nuisance dans un cadre mondialisé.

 

Enfin, l’instabilité du Pakistan n’est pas qu’un enjeu régional : il est aussi d’ordre mondial.

 

Dans ce pays, sont implantés les foyers du terrorisme international (Al-Qaïda notamment) et se pose la question de la dissémination des armes nucléaires pakistanaises. Ces deux facteurs inquiètent la communauté internationale parce qu’ils sont de nature à créer des troubles à l’équilibre international.

 

  1. 1. Un foyer du terrorisme international,

 

Sur le territoire pakistanais sont implantées de nombreuses organisations considérées comme terroristes. Sont notamment représentés les Talibans et Al-Qaïda. Le Pakistan leur sert de base arrière afin de fomenter leurs opérations militaires ou leurs attentats. Dans la lutte contre le terrorisme, le Pakistan perçoit chaque année plusieurs milliards de dollars des Etats-Unis afin d’équiper son armée et ainsi lui donner les moyens de l’emporter face à ses ennemis.

Le jeu trouble des dirigeants pakistanais précédemment évoqués n’améliore pas la situation : ils affaiblissent ces organisations sans pour autant les détruire afin de ne pas perdre le soutien américain.

Et l’absence de résultat significatif des autorités pakistanaises a conduit les américains à vouloir prendre en main les opérations de lutte anti-terroristes. Ainsi depuis Juin 2004, l’armée américaine mène une campagne de bombardement et de « liquidation ciblée » par le biais de drones de combat (avions sans pilote télécommandés à distance) sur le territoire pakistanais.

Ils y mènent aussi des actions commandos (notamment le raid du 2 Mai 2011 ayant conduit à l’élimination de Oussama Ben Laden). C’est une manière pour eux de débloquer une situation en éliminant le plus grand nombre possible de chefs talibans ou d’Al-Qaïda (en tuant les leaders les plus compétents ou les plus charismatiques, ils visent à diminuer le nombre d’attentats et aussi de porter un coup au moral de ces organisations).

Depuis on estime qu’il y a eu 350 frappes de drones ayant provoqué la mort d’environ 3000 personnes (dont au moins 300 civils) selon la « New America Foundation 2012 ».

Cette politique – l’immobilisme des autorités pakistanaises et la campagne de drones – n’est pas sans conséquence. En interne, la population pakistanaise entretient un profond sentiment antiaméricain (et dans une moindre mesure antioccidentale) parce qu’elle perçoit ces attaques de drones comme une violation de son intégrité territoriale. Cette rancœur est exploitée par ces mêmes organisations, leur permettant de recruter de nouvelles troupes.

Des représailles sont aussi organisées par Al-Qaïda et les Talibans par le biais d’attentats visant les institutions pakistanaises (la capitale Karachi est ainsi régulièrement l’objet d’attaques). Elle entraine aussi un sentiment de défiance vis-à-vis du pouvoir central parce que ce dernier se montre incapable de stopper cette campagne (grâce à Wikileaks on sait aujourd’hui que les pakistanais ont ponctuellement aidé les américains à éliminer tel ou tel chef qui leur posait problème).

Mais dans un même temps, le gouvernement pakistanais « laisse faire » parce qu’il doit démontrer sa bonne foi dans la lutte anti-terroriste pour ne pas perdre le soutien de la communauté internationale.

Il est ainsi « entre le marteau et l’enclume », avec d’un coté la pression de l’opinion publique pakistanaise et de l’autre le poids des Etats-Unis.

En externe, le Pakistan a souvent était pris en porte à faux. Le fait d’avoir de si nombreux chefs terroristes sur son territoire et de ne pas les avoir arrêtés lui-même (Ben Laden notamment) ont conduit la communauté internationale à se méfier de ce pays. Il n’est pas perçu comme fiable et les forces de l’Otan ne lui accorde de l’aide que quand c’est nécessaire.

A contrario, les pakistanais ne donnent pas toutes les informations nécessaires dont ils disposent et entretiennent délibérément leurs « alliés » dans le flou afin de conserver l’initiative. Cette situation est évidemment tout sauf une bonne nouvelle.

Le jeu trouble du gouvernement pakistanais, les luttes en interne, les talibans, le poids de l’opinion publique, la campagne de drones et les pressions de la communauté internationale conduisent à un affrontement permanent dans lequel tous ces protagonistes contribuent à l’instabilité du pays et pas voie de conséquence constitue une nuisance pour l’équilibre mondial.

Ce conflit est du à des intérêts contradictoires dans lesquels plusieurs de ces groupes passent des alliances entre eux afin de contrer les autres au gré des circonstances.

Et la situation ne peut que perdurer tant que les protagonistes n’auront pas le sentiment d’avoir atteint leurs objectifs respectifs à savoir affaiblir durablement leurs adversaires.

 

  1. Le problème des armes nucléaires,

 

  • Dissémination nucléaire,

 

L’un des principaux points d’inquiétude concernant le Pakistan concerne « l’exportation » de son armement nucléaire. Ce pays est devenu puissance nucléaire en 1998 grâce à un scientifique nommé Abdul Qadeer Khan. Ce dernier est aussi connu pour ses opinions proches des fondamentalistes religieux. Depuis cet homme « vend » ses services à différends pays à travers le monde : Iran, Corée du Nord et Libye sous Kadhafi.

Or ces pays sont considérés par la communauté internationale comme étant des « Etats voyous » (ou « l’Axe du Mal » dans la doctrine de l’administration Bush). Il y a alors un risque de dissémination du savoir faire pakistanais en terme d’armement nucléaire à des pays peu « recommandables ». Et aujourd’hui, certains spécialistes considèrent que le Pakistan a contribué à l’élaboration d’armes nucléaires au profit de puissances telles que l’Iran et la Corée du Nord.

Cet état des lieux ne peut qu’aggraver une situation internationale déjà tendue dans laquelle les grandes puissances tentent de stopper ces pays dans leurs recherches d’appropriation du nucléaire militaire.

Si ces pays ont acquis – ou sont sur le point d’acquérir – de l’armement nucléaire grâce au Pakistan, de nombreux autres Etats voudront aussi le faire (afin de se protéger de toute attaque étrangère).

Ainsi les puissances nucléaires risquent de croitre de façon exponentielle, ce qui n’est pas sans poser problème en terme de tensions et de rapport de force internationaux. Depuis, de nombreuses pressions sont exercées sur le gouvernement pakistanais afin qu’il stoppe les agissements de certains de ses scientifiques exerçant cette activité.

Des mesures ont été prises. Abdul Khan n’a pas fait l’objet de poursuites judiciaires mais il a été assigné à résidence (il est libre de se déplacer dans son pays mais interdiction de séjour à l’étranger). Et les autres scientifiques pakistanais font l’objet de davantage de contrôles par les autorités. Mais les inquiétudes demeurent quant à l’exportation de ce savoir-faire.

 

  • La sécurité des armes nucléaires,

 

Se pose aussi la question de la sécurité nucléaire. Le Pakistan connaît un état d’instabilité permanent depuis sa naissance. Plusieurs pays et organisations internationales sont inquiets quant à l’intégrité du stock nucléaire.

Ces armes sont sous le contrôle de l’armée pakistanaise mais cette dernière est aussi infiltrée par des éléments fondamentalistes proches des Talibans, se pose alors la question de savoir si ces armes sont alors suffisamment sécurisées afin d’éviter qu’elles ne tombent entre de mauvaises mains.

Certaines personnes dans la communauté internationale ne le pensent pas. Ils craignent que la sécurité ne soit pas maximale et que le gouvernement pakistanais ne contrôle pas entièrement son propre arsenal nucléaire.

Mais que se passerait-il en cas d’effondrement étatique ? Que deviendraient les armes nucléaires ?

Dans cette situation, on est en droit de craindre le pire. Les Talibans pourraient alors se les approprier. Il est aussi possible de voir ses armes être soumis à la vente sur le marché noir (avec le risque de tomber aux mains d’organisations terroristes). Dans un cas comme dans l’autre – instabilité ou effondrement étatique – pose la question et le risque de perdition de ces armes entre de mauvaises mains. Cette situation serait alors de nature à compromettre la stabilité mondiale.

 

Conclusion :

 

Quel bilan pour le Pakistan aujourd’hui ?

Plus de 70 ans après son indépendance, force est de constater que ce pays n’est toujours pas parvenu à résoudre ses problèmes de fond. Cet Etat fut une création de circonstances afin de regrouper les musulmans de l’ex-empire des Indes. N’ayant pas surmonté ses lignes de fractures intérieures, les problèmes du Pakistan ont un impact négatif pour le sous-continent indien.

Par effet de vases communicants, l’instabilité étatique de cet Etat est de nature à compromettre l’échiquier mondial notamment à cause de ses armes nucléaires et du terrorisme. Néanmoins, il existe aussi des raisons d’espérer. La situation du Pakistan peut encore s’améliorer.

Depuis 2013, le pouvoir civil a vu pour la première fois une transition démocratique sans heurts. On assiste peut-être au début d’une relative stabilisation.

Au niveau militaire, il semble que les Talibans et autres groupes terroristes n’aient plus la capacité réelle de faire basculer l’état pakistanais (même si leurs pouvoirs de nuisance restent forts). Et dans la lutte contre le terrorisme, de réels progrès ont été enregistrés depuis ces dernières années même s’ils demeurent encore insuffisants – entre 2012 et 2017, le nombre d’attentats et de victimes d’actes terroristes ont baisse de prés de 50%.

Devant ces progrès, on est en droit d’espérer pour le Pakistan une stabilisation politique conduisant in fine à une amélioration des conditions de vie et des droits de l’homme pour la population.

Mais il faut aussi prendre garde à toute interprétation idyllique. L’équilibre de ce pays reste encore précaire et rien ne garantit le retour à des coups de force et à la spirale de la violence. L’avenir nous dira si le Pakistan est voué à l’éclatement ou à la stabilisation.

Dans l’intérêt de la stabilité mondiale, il est préférable que la seconde hypothèse l’emporte…

 

Sources :

Bibliographie :

  • La géopolitique du Pakistan, Hérodote n°139, Collectif, 4ème trimestre 2010.
  • Le Cachemire dans le conflit indo-pakistanais 1947-2004, L’Harmattan, Nathalène Reynolds, 2005.
  • Le Pakistan, Fayard, Christophe Jaffrelot, 1997.
  • Le syndrome Pakistanais,  Fayard, Christophe Jaffrelot, 2013.
  • Les voix de la partition Inde-Pakistan, Broché, Urvashi Butalia, 2002.
  • Réseaux islamiques : la Connexion afghano-pakistanaise, Hachette Littérature, Olivier Roy et Mariam Abou Zahab, 2004.

Site Internet :

  • Global Terrorism Index.
  • Le Monde (Journal).
  • New American Foundation.
  • Transparency International

Sources Audiovisuelles :

Faut-il avoir peur du Pakistan ?, Documentaire 2007, 50 Minutes. Se consacre à l’instabilité politique chronique du pays et à ses défis intérieurs.

Gandhi, Film de Richard Attenborough 1982, 180 minutes. Biographie sur Gandhi. Les 45 dernières minutes de ce film sont consacrées à la naissance du Pakistan lors de la partition de l’ex-Empire britannique des Indes.

Pakistan quelques clefs pour comprendre, documentaire France 3 2007, 110 minutes. Traite de l’histoire de ce pays de ses origines à aujourd’hui avec toutes les crises auquel il a été confronté.

Un œil sur la planète : le Pakistan, pays de tous les dangers, Emission France 2 2010, 110 minutes. Description du Pakistan et de ses problèmes internes et externes.

Leave a Reply

Required fields are marked *.